Psychiatrie clinique, biologique et thérapeutique

Le delay discounting : un outil diagnostic dans l’anorexie mentale ?

Mis à jour le jeudi 10 septembre 2020

dans

Auteurs

DE WITT P. (1), GORWOOD P. (2)

1 Service de psychiatrie et addictologie, Hôpital Bichat-Claude Bernard, Paris, FRANCE;
 2 CMME, Hôpital Sainte-Anne, Paris, FRANCE

Résumé

Objectifs

Le Delay Discounting (DD) est un processus cognitif permettant à un individu de déprécier la valeur d’une récompense en fonction du délai avec lequel elle est proposée. Quelques études ont pu étudier ce processus dans l’anorexie mentale (AN) et ont permis d’identifier que ces patientes étaient capables de différer plus la récompense que les témoins, traduisant une plus forte maîtrise, de soi comme peut être de ses choix alimentaires. Le but de cette étude est de montrer que les résultats retrouvés à la tâche du DD constituent un potentiel marqueur dans l’AN et particulièrement dans sa forme restrictive pure (AN-R).

Méthode

Des patientes avec AN-R (n=20), avec anorexie-boulimie (n=20 AN-BP), avec boulimie à poids normal (n=20 BN) et 20 sujets sains (HC) ont réalisé une tâche du DD de 60 choix binaires monétaires comparant successivement les délais « aujourd’hui », « dans 2 jours », « dans 2 semaines », « dans 4 semaines » et « dans 1 an ». Les analyses statistiques étaient faites à partir de la somme finale en euros choisie à l’issu de chacun des 10 tests. Cette somme était définie comme une estimation du « point d’indifférence », défini comme le point à partir duquel la valeur subjective de la récompense différée était égale à la somme de la récompense « immédiate ».

Résultats

Comme attendu, les patientes avec AN-R réduisaient moins la valeur d’une récompense monétaire que dans les 3 autres groupes, montrant des différences statistiquement significatives entre les moyennes de leurs « points d’indifférence » (ANOVA p=0,032, p=0,014, Figure 1.). En isolant la variable « anorexie » (n=40) des patientes avec BN (n=20), on retrouvait aussi des différences statistiquement significatives dans les 4 tests proposant la somme différée « dans un an ». De même, lorsque l’on isolait la variable « restrictive pure » (n=20) des patientes avec boulimie (n=40 AN-BP et BN), on retrouvait des différences statistiquement significatives dans 2 des tests : « aujourd’hui ou dans 1 an » (p=0,042) et « dans 4 semaines ou dans 1 an » (p=0,015).

Conclusion

Bien que la tâche du Delay Discounting ne puisse évidemment pas expliquer à elle seule les mécanismes physiopathologiques dans l’AN, nous pouvons confirmer l’hypothèse déjà existante que les individus souffrant d’AN ont une capacité inhabituelle à différer la récompense en comparaison aux témoins sains et aux patientes avec BN. Cette capacité est bien renforcée chez les patientes avec AN-R par rapport aux patientes avec AN-BP, et l’extrême maîtrise de soi mise en exergue par la tâche du DD pourrait constituer un endophénotype de ce sous-type d’anorexie mentale. De même qu’il apparait comme un outil de diagnostic dans l’anorexie mentale, le Delay Discounting pourrait avoir une portée pronostique dans les cas de rechute de l’AN et de cross-over de l’AN vers la BN, exigeant de nouvelles études longitudinales

Le poster

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Le delay discounting

 

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