Psychiatrie clinique, biologique et thérapeutique

Regard sur les amphétamines et le TDAH

Publié le mercredi 3 décembre 2025

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Regard sur les amphétamines et le TDAH

Introduction 

Avec une prévalence estimée en France à 5 % chez l'enfant et environ 3 % chez l'adulte, le Trouble Déficit de l'Attention avec/sans Hyperactivité (TDAH) représente un enjeu de santé publique majeur1. Si sa prise en charge pharmacologique repose en France principalement sur le méthylphénidate, de récentes initiatives visent à ouvrir sa pharmacopée2.

Ainsi, depuis septembre 2025 et l'arrivée de la lisdexamfétamine (Xurta) en pharmacie de ville et à l'hôpital, les amphétamines, longtemps exceptionnelles et réservées à des cadres compassionnels (AAC pour l'Attentin par exemple), sont désormais plus accessibles3. L’arrivée de ces alternatives amphétaminiques pose la question de leur sécurité de prescription.

C'est précisément l'objet de la méta-analyse de Salazar de Pablo et al. (2025) publiée dans JAMA Psychiatry, qui vient éclairer ce choix clinique en quantifiant précisément l'occurrence de symptômes psychotiques, de troubles psychotiques et de troubles bipolaires chez les patients TDAH sous traitement médicamenteux. L'étude se caractérise par sa puissance statistique, incluant 16 études et presque 400 000 patients, ce qui en fait à ce jour l'analyse la plus robuste sur cette question de pharmacovigilance psychiatrique !

Faut-il se méfier des amphétamines ? 

Les résultats de cette méta-analyse mettent en évidence des taux d'incidence qui, sans être alarmants, sont qualifiés de non négligeables par les auteurs. L'analyse des données regroupées indique que 2,76 % des patients TDAH traités par amphétamine ont développé des symptômes psychotiques. Plus spécifiquement, le taux de transition vers un trouble psychotique caractérisé s'élève à 2,29 %, tandis que l'incidence d'un trouble bipolaire est estimée à 3,72 %. Ces chiffres doivent être interprétés avec nuance, les intervalles de prédiction étant larges, ils reflètent une variabilité clinique importante selon les populations étudiées.

L'un des apports les plus pertinents pour notre pratique concerne la comparaison entre les différentes classes pharmacologiques. L'étude démontre que le risque de survenue de symptômes psychotiques est significativement plus élevé avec les amphétamines qu'avec le méthylphénidate, avec un odds ratio de 1,57. Ce différentiel de risque constitue un argument pharmacologique de poids lors du choix de la molécule initiale.

D’autre part, des analyses de régression ont permis d'identifier certains facteurs de sur-risque associés : 

  • Une dose prescrite plus élevée est corrélée à une augmentation de l'incidence des symptômes psychotiques, confirmant l'hypothèse d'un effet dose-réponse médié par une dysrégulation dopaminergique
  • De manière intéressante, et contrairement aux données observées dans les populations à haut risque clinique de psychose (UHR), le sexe féminin a été associé dans cette étude à un risque accru de transition psychotique
  • En revanche, ni l'âge moyen des participants ni la durée du suivi n'ont montré d'association significative avec le développement de ces troubles

Conclusion

Ces données ne remettent cependant pas en cause la place des psychostimulants dans l'arsenal thérapeutique du TDAH, dont le rapport bénéfice-risque reste globalement favorable, mais elles appellent à une vigilance accrue comme le soulignent par exemple les recommandations 2023 de la NICE4. Le clinicien doit systématiquement informer le patient et sa famille de ce risque potentiel, bien que faible, et instaurer une surveillance active des symptômes psychotiques ou maniaques, particulièrement lors de l'initiation du traitement ou de l'escalade des doses.

De plus, il est important de souligner les limites méthodologiques de ce travail pour en tempérer la portée causale. L'hétérogénéité statistique entre les études incluses est très élevée, ce qui suggère que des facteurs confondants non mesurés influencent grandement les résultats.

De plus, l'absence de groupes contrôles systématiques (patients TDAH non traités) dans l'ensemble des études empêche d'affirmer avec certitude la causalité directe du médicament. Il est donc possible que l'apparition de ces troubles reflète en partie l'évolution naturelle de comorbidités psychiatriques ou une vulnérabilité génétique partagée entre le TDAH, la psychose et le trouble bipolaire, plutôt qu'un effet purement iatrogène. Le niveau de preuve concernant la causalité reste donc classé comme faible et d’autres études sont donc nécessaires pour évaluer ces hypothèses.

Références

1. HAS - Consensus 2024 : Haute Autorité de Santé - Trouble déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité (TDAH) : repérer la souffrance, accompagner l’enfant et la famille - questions / réponses
2. Benjamin Rolland, TDAH en France : les initiatives récentes pour développer l’accès aux traitements pharmacologiques, Annales Médico-psychologiques, revue psychiatrique, Volume 183, Issue 3, 2025, Pages 328-331, ISSN 0003-4487
3. HAS - Avis sur les médicament - Lisdexamphétamine - octobre 2025
4. Overview | Attention deficit hyperactivity disorder: diagnosis and management | Guidance | NICE

 

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