Psychiatrie clinique, biologique et thérapeutique

La schizophrénie : une maladie du vieillissement

Mis à jour le jeudi 18 mars 2021

Auteurs

IFTIMOVICI A.1,2, DUCHESNAY E.1, KEBIR O.2,3, KREBS M.2,3, CHAUMETTE B.2,3

1 NeuroSpin, CEA, Gif-Sur-Yvette, FRANCE
2 Université de Paris, Institute of Psychiatry and Neuroscience of Paris (IPNP), INSERM U1266, Laboratoire de Physiopathologie des Maladies Psychiatriques, F-75014 Paris, France, Paris, FRANCE
3 GHU Paris Psychiatrie et Neurosciences, F-75014 Paris, France, Paris, FRANCE

Résumé

Introduction

La schizophrénie est épidémiologiquement associée à des affections liées à l'âge, des dysfonctionnements métaboliques ou des maladies cardiovasculaires, qui contribuent à une diminution de 20 % de l’espérance de vie par rapport à la population générale. Si les traitements neuroleptiques, le stress chronique, ou le risque élevé de suicide expliquent une part de cette diminution, de nombreux arguments suggèrent un vieillissement accéléré intrinsèque à la maladie. La schizophrénie et les pathologies liées à l’âge, comme le diabète, partagent les mêmes risques précoces: un âge paternel avancé, un faible poids de naissance, ou une exposition prénatale à la famine. Les anomalies métaboliques ou cardiovasculaires sont plus fréquentes dès le premier épisode psychotique, en l’absence de traitement. Enfin, des mécanismes tels que l’inflammation ou le stress oxydatif, associés au vieillissment, sont également impliqués dans la schizophrénie. Pour tester l’hypothèse d’un vieillissement accéléré dès l’émergence de la maladie, nous avons étudié l’âge biologique, cérébral et épigénétique, dans une cohorte de sujets à ultra-haut-risque de psychose, suivis longitudinalement, dont certains ont fait un premier épisode psychotique (“transiteurs”).

Méthode

Dans un premier temps, à partir de données d’imagerie structurelle de sujets sains (N=316), nous avons construit par apprentissage supervisé un prédicteur de l’âge cérébral, validé ensuite sur une cohorte indépendante de sujets sains (N=70). Nous l’avons appliqué pour prédire l’âge cérébral de sujets à risque de psychose (N=82), au début de leur suivi. Dans un second temps, parmi d’autres sujets à risque dont nous avions les données longitudinales de méthylation de l’ADN sur le génome entier (N=38), nous avons utilisé l’horloge biologique de Horvath pour prédire un âge épigénétique à l’inclusion et un an plus tard. Nous avons calculé l'écart d'âge cérébral comme la différence transversale entre l'âge réel et l'âge prédit, et l'accélération longitudinale de l'âge épigénétique comme la dérivée de l'âge prédit par rapport au temps.

Résultats

L'écart d’âge cérébral des futurs transiteurs était de 2.12 fois supérieur à celui des non-transiteurs (95 % IC = [0.98-3.09], p=0.0004). L'accélération de l'âge épigénétique était de 6.83 fois plus élevée chez les transiteurs que chez les non-transiteurs (95%CI = [0.30-18.40], p = 0.05).

Conclusion

L’émergence de la psychose survient chez des patients à risque qui ont déjà un cerveau plus âgé, et semble s’associer longitudinalement à une accélération du vieillissement épigénétique (figure). Ce vieillissement accéléré pourrait être le reflet de processus de dysmaturation ou d'insultes environnementales. Que l’accélération de l’âge soit un mécanisme physiopathologique au coeur de la transition psychotique, ou bien traduise des phénomènes adaptatifs face au stress environnemental, l’âge biologique apparaît comme un marqueur essentiel de l’entrée dans la maladie.

 

Consulter le poster

 

Voir les meilleurs posters 2021

Dernières actualités

Hypersomnie

L'hypersomnie est fréquemment reléguée au second plan par rapport à l'insomnie, mais elle suscite...

Chemsex

Des experts en addictologie abordent ici un thème qui suscite un intérêt croissant au sein de la...

Thérapie en réalité virtuelle : des effets bien réels ?

Ce symposium fait un point sur les avantages et les limitations des Thérapies de Réduction des Ri...

Être psychiatre sur scène et en coulisse : paroles publiques, postures intimes

Se présenter comme psychiatre laisse rarement indifférent nos interlocuteurs. Atout ou désavantag...