Psychiatrie clinique, biologique et thérapeutique

Evaluation des psychothérapies – rapport Inserm (2004) : pourquoi une telle controverse ?

Mis à jour le jeudi 21 avril 2022

Auteurs

DURPOIX A.1

  1. Hôpitaux Universitaires de Strasbourg, Strasbourg, France

Résumé

Introduction

 Le rapport de l’Inserm Psychothérapies – trois approches évaluées (2004) retrouvait que les TCC et les thérapies familiales étaient validées scientifiquement dans une majorité des troubles psychiatriques, alors que la psychanalyse était validée uniquement dans le trouble de personnalité limite. Une vive controverse médiatique éclata obligeant le ministre de la santé de l’époque à désavouer publiquement ce rapport et à le retirer du site du ministère sans contrexpertise, ce qui n’était encore jamais arrivé dans l’histoire de l’Inserm. Pour tenter de comprendre les raisons d’une intervention aussi directe du politique dans une controverse scientifique, nous nous sommes donc intéressés à analyser philosophiquement les critiques médiatiques de ce rapport.

Méthode

Nous avons récolté les articles médiatiques évoquant ce rapport grâce au moteur de recherche Europress avec les mots-clés « TEXT= inserm & 2004 ». Nous avons ensuite analysé ces critiques sous un angle épistémologique, historique et sociologique. Pour cette analyse, nous avons été aidés par des travaux universitaires reconnus, comme ceux de Frank Sulloway, Annick Ohayon, Mikkel Borch-Jacobsen, Carl Schorske, Adolf Grünbaum.

Résultats 

6996 articles correspondaient aux mots-clés, 46 articles médiatiques évoquaient le rapport en question (35% dans Le Monde, 17% dans Libération, 9% dans Le Figaro, <7% pour les autres journaux), dont 26 étaient critiques. Sur le plan épistémologique, les critiques étaient liées à un dualisme franc séparant le corps et l’esprit (exemple : « la souffrance psychique n’est ni évaluable ni mesurable », « par définition le psychisme échappe à de telles évaluations »), à une vision politisée des sciences (ex : « action de marketing », « résultats électoraux », « motivations idéologiques »), à une vision pessimiste de la santé mentale (ex : « on n’arrive pas à admettre qu’en matière de santé mentale, le pourcentage de guérison est faible ») et à une vision postmoderniste/relativiste (ex : « évaluer tue »). Sur le plan historique, les critiques évoquaient le traumatisme de la seconde guerre mondiale (ex : « au lieu de brûler aujourd’hui les livres de Freud, les nouveaux barbares invoquent la science »), l’assimilation historique de la psychanalyse à la philosophie humaniste (ex : « Va-t-on poursuivre une politique qui nous éloigne de la tradition humaniste de l’Europe ») et l’influence du communisme (ex : « forte mobilisation de la gauche unie »). Enfin, sur le plan sociologique, le manque de moyens en psychiatrie a joué un rôle (ex : « dénigrer le rapport de l’Inserm, c’était le prix à payer pour que les plus contestataires de la profession ne polémiquent pas sur le plan santé mentale »).

Conclusion

De multiple facteurs interagissent et expliquent le rejet de ce rapport. Ces dernières années, ce rapport tend néanmoins à être réhabilité avec la montée des neurosciences et les critiques de la psychanalyse (ex : Sophie Robert).

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