L'insomnie chronique est désormais clairement définie comme un trouble lié au stress, à l'hyperéveil, à la dysrégulation émotionnelle et à l'instabilité du système d'éveil et du sommeil. Ces dernières années, des hypothèses physiopathologiques ont émergé, mettant en lumière notamment une vulnérabilité génétique d’hérédité complexe, associant par exemple des polymorphismes de vulnérabilité au niveau des gènes de l'horloge biologique (1).
Un modèle de compréhension de l’insomnie est proposé internationalement et semble faire consensus : le modèle des 3 « P » (2). Il intègre des facteurs prédisposants, des facteurs précipitants, et des facteurs pérennisants. Dans ce contexte, l'insomnie est conceptualisée comme résultant de facteurs prédisposants interagissant avec des événements stressants précipitants (2). Cette interaction peut déclencher une cascade d'effets, notamment une activation du système nerveux autonome et de l'axe hypothalamo-hypophysaire, entraînant une augmentation du cortisol et induisant un niveau croissant d'éveil et de stress. On parle alors d’hyper-éveil ou « hyperarousal » dans la littérature internationale.
Au niveau neuronal, des anomalies sont observées, telles que la persistance de rythmes rapides d'éveil à l'EEG pendant le sommeil, une diminution de la quantité d'ondes lentes et un raccourcissement du sommeil paradoxal (3). Les études en IRM fonctionnelle soulignent une hyperactivité du système d'éveil pendant le sommeil et une hypoactivité des noyaux du sommeil (4,5).
Le système orexinergique joue également un rôle crucial, avec une suractivation associée au stress, pouvant contribuer à l'hyperéveil et à l'hyperactivation des systèmes favorisant l'éveil dans l'insomnie (6).
L'épigénétique pourrait offrir un cadre de travail intéressant pour mieux comprendre les conséquences durables de l'interaction entre les facteurs génétiques et environnementaux, ainsi que les effets du stress sur le cerveau dans l'insomnie. De manière intrigante, le risque polygénique d'insomnie a été lié de manière causale à divers troubles psychiatriques et non-psychiatriques (1).
Des études suggèrent que le trouble de l'insomnie est lié à une dérégulation du système immunitaire, entraînant une augmentation du niveau de cytokines pro-inflammatoires et une diminution du niveau de lymphocytes(7).
Enfin, les modifications au niveau des cognitions, des émotions et des comportements liés à l'insomnie contribuent à sa pérennisation. Ces facteurs de pérennisation doivent être identifiés pendant les prises en charge psychothérapeutiques afin de casser le cercle vicieux de l’insomnie.
Pr Pierre-Alexis Geoffroy et Dr Julia Maruani
Hôpital Bichat, Paris
Dossier spécial sur l'insomnie chronique
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