Les avancées notables depuis 2017 dans le domaine de l'insomnie ont motivé une mise à jour des recommandations européennes pour la prise en charge thérapeutique de l'insomnie et de ses comorbidités. Elles sont désormais disponibles depuis novembre 2023. La thérapie cognitivo-comportementale de l’insomnie (TCC-I) reste le traitement de référence pour l'insomnie chronique chez les adultes quelques soient âges, aussi bien pour l’insomnie sans et avec comorbidités et qu'elle soit dispensée en personne ou numériquement.
A noter que 60 % des patients ont une réponse thérapeutique pendant le traitement aigu, et 50 à 60 % des patients ayant répondu au traitement ont une rémission dans les 6 à 12 mois suivant la TCC-I (1,2).
De manière intéressante, la TCC-I est efficace non seulement sur l’insomnie mais également dans la diminution des symptômes psychiatriques associés particulièrement de la dépression, du syndrome de stress post-traumatique (PTSD) et de la dépendance à l'alcool. Pour les individus affectés par des troubles mentaux associés à l'insomnie, la TCC-I devrait être ainsi toujours envisagée comme une première option thérapeutique.
Lorsque la TCC-I n'est pas suffisamment efficace, une intervention pharmacologique peut être proposée. Les benzodiazépines (rang A), les agonistes des récepteurs des benzodiazépines (rang A), les antagonistes des récepteurs de l'orexine (rang A) et les antidépresseurs sédatifs à faible dose (rang B) peuvent être utilisés pour le traitement à court terme de l'insomnie (≤ 4 semaines). Un traitement à plus long terme avec ces substances peut être initié dans certains cas, en considérant les avantages et les inconvénients (rang B). Les antagonistes des récepteurs de l'orexine peuvent être utilisés pendant des périodes allant jusqu'à 3 mois ou plus dans certains cas (rang A).
Les chronothérapeutiques sont des traitements dont au moins une partie des effets passent par une action sur l’horloge interne. Les nouvelles recommandations suggèrent dans l’insomnie sans comorbidité que la mélatonine à libération prolongée peut être utilisée jusqu'à 3 mois chez les patients de ≥ 55 ans (rang B).
La luminothérapie et les interventions en matière d'exercice peuvent être utiles en tant que thérapies complémentaires à la thérapie cognitivo-comportementale pour l'insomnie (B).
Cependant, Les chronothérapeutiques présentent un intérêt tout particulier dans le traitement de l’insomnie et des troubles des rythmes circadiens comorbides des troubles psychiatriques (3). Il s’agit d’un traitement prometteur des troubles insomnies chroniques comorbide des troubles psychiatriques notamment comorbide de la dépression. En effet elles présentent déjà un haut niveau de preuve comme antidépresseur avec un délai d’action précoce dès une semaine de traitement (4). Par exemple, la luminothérapie (LT) présente une taille d’effet antidépresseur comparable aux antidépresseurs et synchronise les rythmes veille-sommeil (5,6) . De manière intéressante, la combinaison antidépresseur et LT à 8 semaines de traitements chez des patients présentant un EDC est significativement deux fois plus efficaces que les traitements antidépresseurs seuls (7). De plus, des études pilotes suggèrent l’intérêt de combiner dans le traitement de la dépression les chronothérapeutiques telles que la LT, la mélatonine (molécule qui a aussi fait l’objet de recommandations internationales dans le traitement de l’insomnie associée à la dépression)(8) et les règles d’hygiène de sommeil (1). En effet, les recommandations françaises ont ainsi proposé d'optimiser l’effet antidépresseur du traitement antidépresseur classique en administrant la mélatonine chez les patients déprimés avec insomnie ou retard de phase (8–10)
D’autres traitements pourraient être prometteurs dans la prise en charge du trouble insomnie comorbides des troubles psychiatriques en monothérapie ou même en combinaison tels que la thérapie d’aménagement des rythmes sociaux (TIPARS), l’'imagerie mentale positive ciblant la réduction du stress, et la thérapie en pleine conscience (technique visant aussi bien la réduction du stress que la réduction de l’hyperéveil) (11–14).
Pr Pierre-Alexis Geoffroy et Dr Julia Maruani
Hôpital Bichat, Paris
Dossier spécial sur l'insomnie chronique
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