Deux récentes études publiées dans The Lancet Psychiatry invitent à réévaluer les critères de prescription de la clozapine ainsi que les protocoles de surveillance clinique.
Rappelons tout d’abord qu'une étude de 2020 a mis en évidence les effets bénéfiques de la clozapine sur la mortalité et les hospitalisations psychiatriques chez les patients schizophrènes. Suivant une cohorte sur dix ans, les chercheurs ont comparé les résultats de patients traités par clozapine à ceux sous d'autres antipsychotiques. Les résultats sont édifiants : une réduction significative de la mortalité toutes causes confondues et une diminution notable des hospitalisations psychiatriques chez les patients sous clozapine. L'étude, utilisant des registres nationaux de santé, a identifié une réduction de 25 % du risque de mortalité et une baisse de 30 % des hospitalisations psychiatriques, ce qui souligne l'efficacité de la clozapine non seulement sur les symptômes de la schizophrénie, mais aussi sur la stabilisation à long terme des patients. Ces données renforcent la position de la clozapine comme traitement de choix pour les formes résistantes de la schizophrénie et suggèrent qu'une initiation plus précoce du traitement pourrait être bénéfique.
La première étude, menée en Finlande, examine la persistance à long terme du risque d'agranulocytose induit par la clozapine par rapport à d'autres antipsychotiques. L'analyse, portant sur 61 769 patients, a révélé une incidence cumulative d'agranulocytose de 1,37 % chez les utilisateurs de clozapine contre 0,13 % pour les autres antipsychotiques. Bien que le risque soit particulièrement élevé au début du traitement, avec un odds ratio ajusté de 36,01 pour les moins de six mois de traitement, il diminue à 4,38 après 54 mois ou plus de traitement. Malgré cette diminution, le risque demeure supérieur à celui des autres antipsychotiques.
Une seconde étude rétrospective, couvrant plus de 26 000 patients en Australie et en Nouvelle-Zélande entre 1990 et 2022, a exploré l'épidémiologie et les facteurs de risque de la neutropénie associée à la clozapine. Les résultats montrent que 4,3 % des patients ont développé une neutropénie mineure et 1,2 % une neutropénie sévère nécessitant l'arrêt du traitement. Cependant, les risques de neutropénie diminuent significativement après les premières semaines de traitement, suggérant que la surveillance à long terme pourrait être ajustée.
L'incidence hebdomadaire de la neutropénie sévère chute à une moyenne de 0,001 % après deux ans de traitement. Les analyses ont révélé que les patients ayant une exposition antérieure à la clozapine avaient un risque réduit de neutropénie sévère (OR de 0,19).
Ces découvertes mettent en lumière l'importance d'une surveillance initiale rigoureuse et d'une possible réduction de la fréquence des contrôles sanguins après une période initiale sans incidents, ce qui pourrait améliorer la qualité de vie des patients tout en maintenant une sécurité thérapeutique élevée.
Dans ce sens, un collectif de spécialistes en gériatrie, neurologie, psychiatrie, et pharmacologie, soutenu par des associations de patients, a appelé le 10 juillet dernier à une révision des règles actuelles de prescription et de surveillance de la clozapine.
Les experts proposent d'élargir les droits de prescription à tous les médecins spécialistes (gériatres, neurologue et psychiatre), qu'ils soient hospitaliers ou non, et d'autoriser les médecins généralistes à renouveler les ordonnances après la stabilisation du traitement (à partir de 6 mois). Ils préconisent également un assouplissement de la surveillance hématologique, en réduisant la fréquence des contrôles après les premières années de traitement, s'inspirant des pratiques d'autres pays européens.
De plus, ils suggèrent d'ajuster les seuils de surveillance pour la neutropénie bénigne ethnique, afin de permettre un accès plus large à la clozapine pour certaines populations. Ces modifications visent à améliorer l'accès à ce traitement tout en maintenant la sécurité des patients, et à rendre la gestion médicale plus flexible et adaptée aux besoins réels des patients.
Auteurs : Jean-Del BURDAIRON et Raphaël GAILLARD
Northwood, Myles, Clark,Every-Palmer, Myles, Kisely, Warren, Siskind, 2024. Evaluating the epidemiology of clozapine-associated neutropenia among people on clozapine across Australia and Aotearoa New Zealand: a retrospective cohort study. The Lancet Psychiatry 11,27–35.
Rubio, Kane, Tanskanen, Tiihonen, Taipale, 2024. Long-term persistence of the risk of agranulocytosis with clozapine compared with other antipsychotics: a nationwide cohort and case–control study in Finland. The Lancet Psychiatry 11, 443–450.
Taipale, Tanskanen, Mehtälä, Vattulainen, Correll, Tiihonen, 2020. 20-year follow-up study of physical morbidity and mortality in relationship to antipsychotic treatment in a nationwide cohort of 62,250 patients with schizophrenia (FIN20). World Psychiatry 19, 61–68.
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