En clinique, l’IA est utilisée pour détecter les rechutes dépressives précoces par l’analyse de signaux non-verbaux, tels que l’expression faciale. L’équipe d’Alexandra Korda a exploré comment les expressions faciales émotionnelles, mesurées via la méthode du facial action coding system, sont liées aux symptômes de la dépression. Bien que cette technologie détecte les émotions émergentes avec sensibilité, la prédiction des scores de dépression reste limitée à une précision de 52 à 72 %, insuffisante pour un usage clinique direct. Une amélioration des performances est envisagée en intégrant l’analyse linguistique dans les modèles. Dans cette ligne, Paolo Brambilla a étudié la cohérence du langage et son lien avec les processus cérébraux, ouvrant des perspectives prometteuses pour caractériser les premiers épisodes psychotiques1. Des travaux similaires ont montré la capacité de l’IA à prédire les symptômes dépressifs et le risque suicidaire2.
Les thérapies digitales exploitant l’IA, comme le projet AI-REFIT mené par le Pr Eva Reininghaus, visent à renforcer la résilience par des interventions interactives utilisant des jeux sérieux, la réalité virtuelle, et des robots sociaux3. Un projet européen, XR2RESILIENCE, débutera en 2024 pour tester l’efficacité de la réalité augmentée dans la réduction du stress des soignants.
Toutefois, plusieurs enjeux éthiques et stratégiques persistent. Joe Powers a souligné l’importance de valider ces outils sur différentes populations pour garantir leur pertinence clinique, rappelant que seulement 0,2 % des modèles d’IA développés en psychiatrie sont utilisés en pratique4. Par ailleurs, Mirko Mancia a évoqué la nécessité de garantir la représentativité des populations étudiées et l’accès équitable à ces technologies, tout en évaluant leur rapport coût-efficacité pour la société5. Ces défis doivent être surmontés pour que les avancées de l’IA profitent pleinement à la santé mentale globale.
1. Gargano, G., Caletti, E., Perlini, C., Turtulici, N., Bellani, M., Bonivento, C., Garzitto, M., Siri, F.M., Longo, C., Bonetto, C., Cristofalo, D., Scocco, P., Semrov, E., Preti, A., Lazzarotto, L., Gardellin, F., Lasalvia, A., Ruggeri, M., Marini, A., Brambilla, P., GET UP Group, 2022. Language production impairments in patients with a first episode of psychosis. PLoS One 17, e0272873. doi.org/10.1371/journal.pone.0272873
2. Pan, W., Wang, X., Zhou, W., Hang, B., Guo, L., 2023. Linguistic Analysis for Identifying Depression and Subsequent Suicidal Ideation on Weibo: Machine Learning Approaches. Int J Environ Res Public Health 20, 2688
3. Reininghaus, E., Lenger, M., Guggemos, S., Dalkner, N., Fleischmann, E., Dietrich, A., Mosbacher, J., Fellner, M., Götz, G., Spat, S., Lutz, T., Russegger, S., Pszeida, M., Schneeberger, M., Draxler, S., Paletta, L., 2022. Artificial intelligence enabled playful enhancement of resilience and self-efficacy - the AI-REFIT project. Neuroscience Applied 1, 100619. doi.org/10.1016/j.nsa.2022.100619
4. Salazar de Pablo, G., Studerus, E., Vaquerizo-Serrano, J., Irving, J., Catalan, A., Oliver, D., Baldwin, H., Danese, A., Fazel, S., Steyerberg, E.W., Stahl, D., Fusar-Poli, P., 2021. Implementing Precision Psychiatry: A Systematic Review of Individualized Prediction Models for Clinical Practice. Schizophr Bull 47, 284–297. doi.org/10.1093/schbul/sbaa120
5. Fusar-Poli, P., Manchia, M., Koutsouleris, N., Leslie, D., Woopen, C., Calkins, M.E., Dunn, M., Tourneau, C.L., Mannikko, M., Mollema, T., Oliver, D., Rietschel, M., Reininghaus, E.Z., Squassina, A., Valmaggia, L., Kessing, L.V., Vieta, E., Correll, C.U., Arango, C., Andreassen, O.A., 2022. Ethical considerations for precision psychiatry: A roadmap for research and clinical practice. European Neuropsychopharmacology 63, 17–34. https://doi.org/10.1016/j.euroneuro.2022.08.001
Ce contenu vous est proposé avec le soutien institutionnel de :