Les psychédéliques, notamment la psilocybine, suscitent un intérêt croissant et ont montré des effets prometteurs dans le traitement de la dépression en association avec la psychothérapie. La singularité de ces effets est leur temporalité : ils apparaissent immédiatement après la prise et semblent persister plusieurs semaines, voire plusieurs mois.
Une étude récente menée par l’équipe de David Erritzoe et publiée en septembre 2024 dans eClinicalMedicine1 révèle que les effets antidépresseurs obtenus par la psychothérapie assistée par psilocybine se maintiennent à 6 mois. Ces résultats confirment ce qui avait été observé dans de précédentes études évaluant en ouvert l’efficacité de la psilocybine sans comparateur2 ou versus liste d’attente3, avec des suivis respectifs de 6 mois et un an. Toutefois, dans ces deux études, environ un tiers des participants avait repris un traitement antidépresseur. Par ailleurs, elles ne disposaient pas de groupe contrôle à long terme.
L’intérêt de l’étude de David Erritzoe1 est qu’elle compare les effets de la psilocybine à ceux de l'escitalopram : les 59 patients inclus ont été randomisés en deux groupes, l’un recevant deux doses de 25 mg de psilocybine accompagnées d'un soutien psychologique, l’autre un traitement standard de six semaines avec escitalopram (SSRI) combiné à un soutien similaire. Dans les deux cas, il y avait une diminution durable des symptômes dépressifs, et la psilocybine a fait mieux que l'escitalopram sur des mesures secondaires, notamment le fonctionnement social et professionnel, le sentiment de connexion psychologique, et le sens de la vie. Les auteurs concluent que la psilocybine pourrait offrir des bénéfices supplémentaires en termes de bien-être global.
Les limitations incluent des données manquantes, notamment concernant les traitements concomitants reçus et des biais liés à l'auto-évaluation. Par ailleurs, la psychothérapie réalisée dans les deux groupes a certainement contribué à l’amélioration observée sans qu’il soit possible de dissocier la composante pharmacologique et psychothérapeutique. Toutefois, les résultats mettent en évidence le potentiel de la psilocybine comme alternative thérapeutique pour la dépression. L'étude plaide pour des recherches supplémentaires pour confirmer ces bénéfices et explorer les mécanismes sous-jacents. En particulier, l’augmentation de la neuroplasticité4 par les psychédéliques – et dans une moindre mesure par les autres antidépresseurs – pourrait favoriser la persistance de leur efficacité au-delà de la période de traitement et leur synergie avec la psychothérapie.
1. Erritzoe D, Barba T, Greenway KT, Murphy R, Martell J, Giribaldi B, et al. Effect of psilocybin versus escitalopram on depression symptom severity in patients with moderate-to-severe major depressive disorder: observational 6-month follow-up of a phase 2, double-blind, randomised, controlled trial. eClinicalMedicine. 21 sept 2024: https://www.thelancet.com/journals/eclinm/article/PIIS2589-5370(24)00378-X/fulltext
2. Carhart-Harris RL, Bolstridge M, Day CMJ, Rucker J, Watts R, Erritzoe DE, et al. Psilocybin with psychological support for treatment-resistant depression: six-month follow-up. Psychopharmacology. 1 févr 2018;235(2):399‑408.
3. Gukasyan N, Davis AK, Barrett FS, Cosimano MP, Sepeda ND, Johnson MW, et al. Efficacy and safety of psilocybin-assisted treatment for major depressive disorder: Prospective 12-month follow-up. J Psychopharmacol. 1 févr 2022;36(2):151‑8.
4. Liao C, Dua AN, Wojtasiewicz C, Liston C, Kwan AC. Structural neural plasticity evoked by rapid-acting antidepressant interventions. Nat Rev Neurosci. 18 nov 2024;1‑14.
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