Loin des grands amphis, on profite des sessions plus intimes, plus interactives. Dr Lotta Borg Skoglund (Suède) et Dr Peter Mason (Angleterre), à travers un cas clinique, viennent interroger nos capacités à diagnostiquer un TDAH chez nos patients déprimés.
Mia a 47 ans, elle est mariée, a 3 enfants à charge et des parents vieillissants. Elle consulte pour une symptomatologie dépressive, un manque d’énergie, une fatigue permanente et des pensées dévalorisantes.
Mia a été traitée dès ses 13 ans pour un épisode dépressif, d’abord par des inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine (IRSS) puis par des inhibiteurs de la recapture de la sérotonine-noradrénaline (IRSN). Malgré son assiduité dans les soins, la réponse thérapeutique est restée décevante, son humeur ne s’améliorant pas, son sentiment de fatigue et de manque d’énergie persistant. Le lien thérapeutique est remis en question après l’apparition de symptômes psychosomatiques et l’absence d’efficacité d’une 3ème ligne antidépressive. Un vrai sentiment d’incompréhension et d’échec thérapeutique s’installe. Elle revient quelques mois plus tard, présente toujours une dysrégulation émotionnelle, mais met cette fois en avant une insomnie résistante qu’elle gère avec une consommation d’alcool vespérale. Encore une fois, les molécules essayées ne sont que partiellement efficace sur sa symptomatologie et sont en plus responsable d’effets secondaires et d’une prise poids qui accentue sa perte de confiance en elle.
Ce cas clinique vient interroger nos pratiques devant ces situations cliniques, de femmes, adultes, présentant des symptômes dépressifs résistants aux traitements par antidépresseurs. À quel moment pensons à une comorbidité TDAH ? Combien d’années s’écoulent pour nos patients ?
Maintenez votre attention :
Le TDAH et la dépression partagent un certain nombre de symptômes communs. Parmi les symptômes principaux du TDAH, on retrouve l’agitation psychomotrice, les difficultés de concentration, la distractibilité, les difficultés d’attention, que nous observons dans la dépression.
Les taux de comorbidités entre TDAH et troubles psychiatriques sont majeurs.
Dans une étude1 réalisée dans un service de psychiatrie générale, 43 % des patients TDAH présentent une comorbidité dépressive, 36 % un trouble anxieux, 8 % un trouble bipolaire, 9 % un trouble de la personnalité borderline. Les consommations de substances peuvent être observées jusque dans 30 % des cas.
Par ailleurs, la prévalence du TDAH chez les adultes présentant un trouble psychiatrique corrobore la piste selon laquelle le TDAH est très fréquemment présent mais peu diagnostiqué en pratique clinique. Ici, le TDAH était comorbide dans 12 % des cas de dépression, 16 % des troubles anxieux, 11 % des troubles bipolaires, 19 % des troubles borderline et plus de 30 % des troubles des abus de substances.
Que faut il retenir à travers le cas clinique Mia ?
Autant de questions qui sont aujourd’hui posées à l’assemblée afin de faire un petit point sur nos pratiques actuelles, d’oser s’aventurer dans le domaine du TDAH et de sa prise en charge, et peut être ainsi, faire gagner un certain nombre d’années à des patients qui perdent confiance dans les soins qu’ils reçoivent… C’est aussi l’occasion de s’interroger sur deux dimensions trop souvent négligées de la dépression elle-même : les troubles cognitifs d’une part, et le manque d’énergie d’autre part.
Deux dimensions qui ici se recoupent avec les symptômes du TDAH.
Dr Odile Amiot, psychiatre, Boulogne-Billancourt
Compte rendu d'une session présentée lors de l'ECNP (European College of Neuropsychopharmacology), Milan 21-24 septembre 2024
Avec le soutien institutionnel de Lundbeck
Attention cette publication est un compte-rendu de congrès qui peut contenir des informations hors autorisation de mise sur le marché