Psychiatrie clinique, biologique et thérapeutique

Scores polygéniques dans les pathologies sévères : implications dans la schizophrénie pour le traitement par clozapine et électroconvulsivothérapie

Publié le lundi 23 septembre 2024

Au cours de sa formation en neurogénétique à l'université de Californie à Los Angeles (UCLA), Jurjen Luykx a développé un intérêt particulier pour la génétique en psychiatrie. Après avoir terminé sa formation, il a rejoint le département de neurosciences translationnelles de l'UMCU, où il dirige le programme de psychiatrie génétique de l'unité de neurogénétique humaine depuis 2014. Son travail se concentre sur le séquençage de l'ADN/ARN, la pléiotropie génétique et la pharmacogénomique.

Sa communication porte sur l’intérêt de recueillir le score polygénétique de schizophrénie (PRS) chez les patients présentant une schizophrénie résistante afin de guider la mise sous les traitements de dernières lignes, la clozapine et l'électroconvulsivothérapie (ECT).

Le score polygénique, ou risque polygénique, est une valeur numérique dérivée d'une analyse génomique. Il est utilisé pour prédire la probabilité qu'un individu développe une certaine maladie ou des caractéristiques en fonction de son profil génétique.

Le score de risque polygénique (PRS) est obtenu en estimant la taille d’effet d'un grand nombre de variants génétiques à partir d'un échantillon de cas-témoins et en les combinant avec les génotypes observés chez d'autres sujets1. En règle générale, plusieurs milliers de variants sont utilisés pour contribuer au PRS, en s'attendant à ce que seule une partie d'entre eux soit réellement associée à la maladie. La première application majeure de cette approche a été une étude d'association pangénomique (GWAS) sur la schizophrénie, montrant que plusieurs milliers d'allèles contribuent au risque de schizophrénie et qu'il existe un risque génétique partagé entre la schizophrénie et le trouble bipolaire2. Depuis cette publication importante, il a été démontré à de nombreuses reprises que le PRS dérivé d'un échantillon de patients est associé à la schizophrénie dans un d’autres échantillons indépendant de patients, ce résultat constituant probablement l'une des observations les plus solides en psychiatrie génétique. L'ampleur de l'effet est considérable : une des plus importante étude d'association pangénomique, montre que les sujets ayant un PRS élevé ont un odds ratio pour la schizophrénie 10 fois plus élevé que les sujets avec les PRS les plus bas3.

Les sujets avec une schizophrénie résistante constituent une population de patients pour lesquels les enjeux thérapeutiques sont majeurs, et chaque psychiatre de secteur sait que ce sont ces patients qui requièrent le plus d’efforts de leur part, et le plus de ressources de la part de leurs équipes. Pourtant, malgré ces enjeux, cette population est sous représentée dans les études cliniques, notamment car leur consentement est difficile à recueillir. Parvenir à identifier ces patients plus tôt et leur permettre d’accéder à un traitement de dernière ligne à un stage plus précoce pourrait grandement favoriser le pronostic. Par ailleurs, la clozapine et les ECT, bien qu’efficaces, sont pourvoyeurs d’effets secondaires non négligeables (agranulocytose, troubles mnésiques persistants). L’identification de ces patients à risque de développer ces effets secondaires est également un volet important de la prise en charge. À ce jour, aucune variable claire, clinique ou démographique, permet de prédire la réponse au traitement par clozapine ou ECT, ni les profils de tolérance à ces thérapeutiques.

L’orateur livre les résultats obtenus par les données d’un consortium mis en place depuis de nombreuses années recueillant les analyses génétiques chez des patients sous ECT ou sous clozapine (consortium CLOZIN, clozapine International consormitum).

Ces données montrent qu’un PRS élevé est non seulement associé à la prescription de clozapine, mais aussi que plus ce score est élevé chez les patients bénéficiant de clozapine, plus la CGI (Clinical Global Impression) est basse. Ceci indiquerait donc que 1) le PRS serait associé non seulement à la schizophrénie mais aussi à la gravité de la schizophrénie et donc à l’indication de clozapine et 2) dans cette population de PRS élevé, la clozapine montrerait le plus de bénéfice (puisque les scores cliniques sont diminués). Des résultats similaires sont obtenus avec l’ECT. Ainsi, les patients ayant des PRS élevés sont également les patients qui ont les scores cliniques les mieux stabilisés sous ECT.

Enfin les données de séquençages génétiques montrent que les patients présentant dans leur génome des variants rares seraient les plus à risque de présenter des effets secondaires graves à ces traitements.

Ces résultats ne permettent pas pour le moment de déterminer un risque individuel, mais pourraient aider dans la proposition de recours au traitement de dernière ligne, en particulier en proposant ces alternatives plus tôt chez les patients à PRS très élevés. La présence de variants rares pourrait, elle, inciter à une surveillance particulière de ces traitements.

 

Références :

  • Visscher PM, Wray NR, Zhang Q, Sklar P, McCarthy MI, Brown MA, Yang J (2017). 10 Years of GWAS discovery: biology, function, and translation. Am J Hum Genet 101:5–22.
  • Purcell SM, Wray NR, Stone JL, Visscher PM, O’Donovan MC, Sullivan PF, et al (2009). Common polygenic variation contributes to risk of schizophrenia and bipolar disorder. Nature 460:748–752.
  • Schizophrenia Working Group of the Psychiatric Genomics Consortium (2014). Biological insights from 108 schizophrenia-associated genetic loci. Nature 511:421–427.

 

Pr Éric Fakra, psychiatre, Saint-Étienne

Compte rendu d'une session présentée lors de l'ECNP (European College of Neuropsychopharmacology), Milan 21-24 septembre 2024

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Attention cette publication est un compte-rendu de congrès qui peut contenir des informations hors autorisation de mise sur le marché

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