L’intelligence artificielle et la psychiatrie de précision
Joe Powers a une expérience de plus de 25 ans dans la direction de programmes de santé mentale numérique dans le secteur pharmaceutique, universitaire et dans diverses start-ups. Il est actuellement président de la division Santé et sciences de la vie d'une société de neuroAI. Il est également conseiller, investisseur actif et consultant auprès de nombreuses entreprises du secteur des technologies de la santé, en particulier dans les domaines de la neuro-technologie et des thérapies numériques.
Les thérapies numériques (DTx) sont un sous-ensemble de la santé numérique, des technologies de santé numériques et destinées à fournir des options de traitement pour des pathologies médicales. Au cours de la dernière décennie, l'éventail des pathologies utilisant les DTx s'est élargi, notamment dans le domaine de la psychiatrie, pour l'anxiété, la dépression, le TDAH, l'insomnie et les troubles liés à l'utilisation de substances psychoactives.
Les DTx doivent être soumis à des normes rigoureuses d'évaluation et de surveillance réglementaire. Leur développement est confronté à de multiples défis liés à la conception du produit pour en assurer la faisabilité et l'accessibilité, à l’établissement de preuves cliniques de l'efficacité et de l'innocuité, ainsi qu’à la sécurité des données. Parmi les questions non résolues qui affectent la conception des essais cliniques de DTx, on peut citer une exposition mal définie, les critères de réponse, les relations entre l'exposition de la thérapie et la réponse. Les solutions centrées sur le patient nécessitent d'adapter la conception du produit, qu'il s'agisse d'une application mobile, d'un dispositif portable ou d'un outil de réalité virtuelle, aux préférences spécifiques de l'utilisateur, en garantissant l'accessibilité et en accordant une attention particulière aux besoins des populations mal desservies et vulnérables (fracture numérique). L'intégration des thérapies numériques dans les soins cliniques de routine n'est pas une simple extension du modèle de prescription pharmaceutique traditionnel. Le DTx va au-delà de l'observance des médicaments et peut nécessiter la participation du soignant, du patient, de ses aidants, ce qui implique des étapes supplémentaires pour le succès de la thérapie.
L’orateur constate le décalage entre l’omniprésence d’internet et des produits numériques dans notre vie et le développement très limité des thérapies digitales dans la prise en charge des pathologies médicales, en particulier psychiatriques. Ainsi, si internet et le développement du numérique dans notre vie de tous les jours n’est pas une « mode passagère », ce qui peut expliquer la sous-utilisation des thérapies numériques en psychiatrie tient au modèle économique ainsi qu’au circuit de validation de ces thérapies.
Joe Powers considère qu’une place pertinente des DTx serait celle d’un adjuvant des traitements pharmacologiques.
Enfin l’orateur cite trois éléments clés pour le développement des DTx :
- Laisser la pratique médicale guider la technologie et ne pas tomber dans le piège, trop courant, des « produits qui cherchent une solution ».
- Comprendre d'emblée les objectifs du DTx (et de l’entreprise) et la manière de les atteindre. Trop d'entreprises s'appuient sur le concept « construisez la thérapie numérique et les solutions de commercialisation viendront par la suite. Nous trouverons comment le commercialiser après avoir développé la solution ».
- Assimiler le rationnel scientifique et comprendre la validation nécessaire pour atteindre les objectifs de l'entreprise. Il n'existe pas de méthode unique pour la production de preuves d’efficacité.
Pr Éric Fakra, psychiatre, Saint-Étienne
Compte rendu d'une session présentée lors de l'ECNP (European College of Neuropsychopharmacology), Milan 21-24 septembre 2024
Avec le soutien institutionnel de Lundbeck
Attention cette publication est un compte-rendu de congrès qui peut contenir des informations hors autorisation de mise sur le marché
