Dossier thématique rédigé par :
Pr Raphaël Gaillard, Hôpital Sainte-Anne, Paris, France
Dr Pierre Oswald, Hôpital Universitaire de Bruxelles, Université Libre de Bruxelles, Université de Mons, Belgique
En Belgique, la gestion de l’anxiété et des troubles du sommeil connaît une transformation de paradigme avec l’usage des alternatives aux médicaments de synthèse.
Jusqu’en 2023, notre pays était l’un des plus gros consommateurs de benzodiazépines. Face à ce constat, l’Institut National d'Assurance Maladie-Invalidité (INAMI), a lancé un plan de sevrage national pour en réduire la prescription.
Depuis lors, on observe d’un côté une baisse des ventes de ces produits d'environ 10 % et de l’autre, une croissance des ventes de médicaments sans prescription favorisant le sommeil et l’anxiolyse, tels que les produits à base de plantes.
Parmi eux, la passiflore est de plus en plus considérée comme un traitement de l’anxiété et de l’insomnie d’origine anxieuse et comme une alternative partielle mais naturelle aux benzodiazépines, bénéficiant d’une reconnaissance par l’agence européenne du médicament, sous la forme d’une AMM Européenne.
La passiflore serait également efficace lors d’un sevrage ou en cas de déprescription des benzodiazépines. Dans une étude effectuée en Belgique, la passiflore était associée à un taux de réussite de sevrage de 78.4 % chez des patients qui consommaient au moins une benzodiazépine de longue date (Dubois et al, 2019). Nous la prescrivons à la dose de 200 mg à 800 mg.
C’est dans le cadre d’une démarche holistique où les approches classiques et médicamenteuses côtoient désormais les approches nutritionnelles, physiques et psychocorporelles que les produits naturels sont désormais considérés. Il n’est pas rare par exemple, dans les troubles du sommeil, de travailler sur les fausses croyances ou d’initier diverses techniques de relaxation en associant, au moins au début, un traitement à base de passiflore.
Enfin, sur base de données, certes limitées mais encourageantes, l’usage de passiflore s’étend en pédopsychiatrie pour apaiser, entre autres, l’anxiété de séparation, l’insomnie d’origine anxieuse, en association avec des mesures de bonne hygiène de sommeil, et certaines manifestations d’hyperactivité ou d’agitation.
De notre expérience belge, la passiflore se positionne, en tout cas dans les situations légères à modérées, comme alternative aux benzodiazépines et participe d’une psychiatrie holistique et intégrative.
Dr Pierre Oswald
Ce contenu vous est proposé avec le soutien institutionnel du Laboratoire Tilman
Soigner par les plantes : l’efficacité et la sécurité d’utilisation
Chaque jour ou presque nos patients nous posent la question : est-il possible de se soigner par les plantes ? Le prescripteur est vite caricaturé en « chimiatre », jonglant avec des molécules dont il a certes l’expertise mais qui imposerait au cœur de la souffrance psychique un divorce d’avec la nature. Si les objections à ce discours sont nombreuses, à commencer par l’idée que tout est chimie, et que ce qui peut soigner dans telle ou telle plante est le fait des alcaloïdes et autres molécules qu’elles recèlent, il faut entendre cette demande, tant elle se fait désormais pressante.
C’est alors que se posent deux questions : l’efficacité, et la sécurité d’utilisation. Pour la première, appelons de nos vœux la multiplication des essais thérapeutiques qui la caractérisent. Peut-être l’essor des psychédéliques y contribuera. Pour la seconde, l’enjeu est majeur, ce d’autant que le marché est saturé d’offres de « cocktails » en tous genres dont rien ne garantit l’efficacité bien sûr, mais aussi la sécurité. Le nombre de patients en attente d’une transplantation hépatique du fait d’une hépatite liée à des compléments alimentaires ou à des plantes a été multiplié par 8 aux États-Unis en 25 ans, et la sympathique cueillette dominicale de champignons décime encore des familles entières. Tout récemment, une compagnie japonaise a dû présenter ses excuses, et devra rendre compte devant la justice de près de 80 morts suspectes en lien avec un complément alimentaire à base de levure rouge de riz. Il faut donc se réjouir de l’existence de solutions thérapeutiques à base de plantes faisant l’objet d’une reconnaissance par les autorités du médicament en Europe, avant tout parce qu’elle est un gage de sécurité d’utilisation.
Nos collègues de la francophonie ont souvent une longueur d’avance sur nous. Sachons tirer profit de leur expérience concrète pour ne pas réinventer la poudre. En l’occurrence pas seulement une poudre de passiflore, mais son extrait actif.
Pr Raphaël Gaillard
Ghabril M, Ma J, Patidar KR, Nephew L, Desai AP, Orman ES, Vuppalanchi R, Kubal S, Chalasani N. Eight-Fold Increase in Dietary Supplement-Related Liver Failure Leading to Transplant Waitlisting Over the Last Quarter Century in the United States. Liver Transpl. 2022 Feb;28(2):169-179. doi: 10.1002/lt.26246. Epub 2021 Nov 27