On le sait, chez nos patients souffrant de troubles psychiatriques, l'obésité est particulièrement présente, elle est rarement le fruit du hasard, souvent iatrogène. Les antipsychotiques, malgré leur efficacité, induisent fréquemment un syndrome métabolique, altérant la qualité de vie, aggravant la stigmatisation et réduisant l'espérance de vie de 15 à 20 ans.
Mais ce n'est pas tout : l'obésité modifie la pharmacocinétique de certains de nos médicaments. Par exemple pour la vortioxétine, on observe une accumulation du traitement avec un temps d’élimination prolongé de près de 50 % ce qui peut entraîner un risque de syndrome sérotoninergique en cas de relai de traitement trop rapide1.
Le sémaglutide, un agoniste des récepteurs du GLP-1, est une hormone intestinale qui régule naturellement la glycémie et l’appétit. Ce traitement stimule la sécrétion d’insuline lorsque le taux de glucose est élevé, freine la libération de glucagon, ralentit la vidange gastrique et agit sur les centres de la satiété dans le cerveau. Il a transformé la prise en charge de l’obésité avec des pertes de poids moyennes supérieures à 10 % dans les essais STEP2. C’est un médicament aux bénéfices métaboliques et cardiovasculaires démontrés sans risque majeur d’hypoglycémie.
Actuellement, en France, le sémaglutide bénéficie d’une autorisation de mise sur le marché sous deux formes : Ozempic®, indiqué dans le traitement du diabète de type 2 en complément d’un régime alimentaire et d’une activité physique, et Wegovy®, indiqué depuis octobre 2024 dans la prise en charge de l’obésité sévère (IMC ≥ 35 kg/m²) chez l’adulte de moins de 65 ans, en seconde intention après échec des mesures hygiéno-diététiques. Wegovy® n’est pas remboursé par l’Assurance Maladie et sa prescription initiale est réservée aux endocrinologues. De ce fait, la plupart de nos patients ne sont pas concernés, que ce soit parce qu'ils n'ont pas de diabète ou à cause de leur situation financière précaire.
Malgré tout, ce traitement commence à être étudié en population psychiatrique, jusque-là exclue des grands essais. Une série de cas publié en 2024 par l’équipe de Sri Mahavir Agarwal a déjà montré un effet significatif chez des patients schizophrènes sous antipsychotiques et résistants à la metformine, avec une perte de poids moyenne de 8,7 % à 12 mois3.
La méta-analyse Glucagon-Like Peptide 1 Receptor Agonists and Mental Health4 publiée en mai dernier dans JAMA Psychiatry a compilé 80 essais randomisés et contrôlés. Elle confirme que les agonistes GLP-1 n’augmentent pas le risque d’effets psychiatriques (dépression, idées suicidaires, anxiété). Au contraire, ils améliorent certains comportements alimentaires et la qualité de vie liée à la santé mentale .
Figure 1
Figure 2
Figure 3
Ces résultats sont d’autant plus intéressants que l’effet semble indépendant de la seule perte de poids, suggérant un impact neurologique direct (via les circuits de récompense ?). Un espoir pour des patients souvent en difficulté avec l’adhésion au traitement, la stigmatisation du corps et les comorbidités. Ce d’autant plus qu’une autre métanalyse de mars 20255 écarte une crainte des pouvoirs publics, en montrant qu’il n’y a pas d’association significative entre l’utilisation des GLP-1 RA et un risque accru de suicide ou d’automutilation.
Par Jean Del Burdairon
1. Greenblatt DJ, Harmatz JS, Chow CR. Vortioxetine Disposition in Obesity: Potential Implications for Patient Safety. J Clin Psychopharmacol. 2018 Jun;38(3):172-179. doi: 10.1097/JCP.0000000000000861. PMID: 29596146
2. John P.H. Wilding, D.M., Rachel L. Batterham, M.B., B.S., Ph.D., Salvatore Calanna, Ph.D., Melanie Davies, M.D., Luc F. Van Gaal, M.D., Ph.D., Ildiko Lingvay, M.D., M.P.H., M.S.C.S., Barbara M. McGowan, M.D., Ph.D., Julio Rosenstock, M.D., Marie T.D. Tran, M.D., Ph.D., Thomas A. Wadden, Ph.D., Sean Wharton, M.D., Pharm.D., Koutaro Yokote, M.D., Ph.D., Niels Zeuthen, M.Sc., and Robert F. Kushner, M.D., for the STEP 1 Study Group. Once-Weekly Semaglutide in Adults with Overweight or Obesity. Published February 10, 2021 N Engl J Med 2021;384:989-1002. DOI: 10.1056/NEJMoa2032183
3. Agarwal SM, Hahn M. Semaglutide in Psychiatry—Opportunities and Challenges. JAMA Psychiatry. 2024;81(10):955–956. doi:10.1001/jamapsychiatry.2024.2412
4. Pierret ACS, Mizuno Y, Saunders P, et al. Glucagon-Like Peptide 1 Receptor Agonists and Mental Health: A Systematic Review and Meta-Analysis. JAMA Psychiatry. Published online May 14, 2025. doi:10.1001/jamapsychiatry.2025.0679
5. Ebrahimi P, Batlle JC, Ayati A, et al. Suicide and Self-Harm Events With GLP-1 Receptor Agonists in Adults With Diabetes or Obesity: A Systematic Review and Meta-Analysis. JAMA Psychiatry. Published online March 19, 2025. doi:10.1001/jamapsychiatry.2025.0091