Psychiatrie clinique, biologique et thérapeutique

Immuno-psychiatrie : le lien entre élagage synaptique et cascades immunitaires dans la schizophrénie

Sélectionné dans Nature par Olivier Gay

Mis à jour le mercredi 11 mai 2016

Auteurs : Sekar A, Bialas AR, de Rivera H, Davis A, Hammond TR, Kamitaki N, Tooley K, Presumey J, Baum M, Van Doren V, Genovese G, Rose SA, Handsaker RE; Schizophrenia Working Group of the Psychiatric Genomics Consortium, Daly MJ, Carroll MC, Stevens B, McCarroll SA
Référence : Nature. 2016 Feb 11;530(7589):177-83
Date de publication : Février 2016
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Le commentaire de Olivier Gay

La revue Nature a publié dans le numéro du 11 février 2016 un article de Sekar et coll. portant sur le risque de schizophrénie associé à des variations de la fraction 4 du complément.

Parmi les régions génétiques (loci) associées au risque de schizophrénie, les régions du chromosome 6 codant pour le complexe majeur d'histocompatibilié semblent celles associées au risque le plus important : notamment les régions à proximité du gène C4, le gène qui code pour la fraction 4 du complément (composant du système immunitaire). L'article de Sekar et coll. a pour objectif de mieux comprendre le lien entre des variations de C4 et le risque de schizophrénie.

Les auteurs s'attachent dans un premier temps à décrire les différentes formes alléliques de C4 présentes chez l'homme et les variations phénotypiques qui y sont associées en termes d'expression des protéines C4A et C4B du complément. En comparant les données de près de 30.000 patients présentant un trouble schizophrénique à autant de contrôles (issues de 40 cohortes provenant de 22 pays différents), les auteurs mettent ensuite en évidence que les variations génétiques à risque pour la schizophrénie correspondent aux formes alléliques qui conduisent à une production en excès de C4A par rapport à C4B. Cet excès de C4A dans la schizophrénie est corroboré par l'analyse des niveaux d'expression d'ARN de C4A dans les tissus cérébraux de patients (étude post-mortem comparant 35 patients à 70 contrôles), qui montre une expression 1,4 fois supérieure chez les patients dans l'ensemble du cerveau.

Dans les dernières parties de l'article, les auteurs essayent d'apporter des éléments de compréhension sur le rôle des facteurs C4 du complément au niveau cérébral, notamment dans l'hypothèse que C4 participe à réguler les phénomènes d'élagage synaptique. Les auteurs caractérisent la présence de C4 dans le cerveau humain par des techniques immunohistochimiques sur des coupes tissulaires post-mortem et des cultures cellulaires : C4 est présent dans les neurones : corps cellulaires, dendrites, axones et terminaisons synaptiques. Pour tester l'hypothèse de l'implication de C4 dans les processus d'élagage synaptique, les auteurs utilisent un modèle animal chez des souris chez lesquelles le gène C4 est inactivé : les résultats sont en faveur d'une réduction des phénomènes d'élagage synaptique en l'absence d'expression du gène C4.

Les auteurs concluent que les variations génétiques du gène C4 associées au risque de schizophrénie - par la production en excès du facteur C4A - pourraient être à l'origine des excès d'élagage synaptique, tels qu'ils ont été décrits dans la schizophrénie.

Comme le commentent Dhindsa et Goldstein, généticiens à l'Université Columbia de New-York, cette étude est novatrice par le fait de caractériser les variations fonctionnelles au niveau cérébral associées à des facteurs de risque génétiques. Ce type de caractérisation est indispensable pour pouvoir éclairer, à partir des études génétiques, les processus physiopathologiques en jeu dans l'apparition de la maladie. Ici, les résultats de Sekar et coll. font un lien extrêmement intéressant entre des facteurs de risque génétique et le modèle neurodéveloppemental de la schizophrénie, en démontrant un lien entre des variations du gène C4 et des phénomènes d'élagage synaptique en excès (mécanisme qui semble crucial à l'adolescence dans la schizophrénie). Le lien est également fait avec les modèles immunologiques puisque l'élagage est sous-tendu par l'activation de facteurs du complément, composante du système immunitaire. Enfin, on ne peut manquer de souligner la diversité des approches utilisées (génétique de population, études histologiques post-mortem, cultures cellulaires, modèle animal etc). Cette étude a été permise par la collaboration de différents laboratoires d'Harvard et du MIT de Boston : elle illustre le potentiel de la recherche quand elle est collaborative et translationnelle.

 

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2 commentaires — Identifiez-vous pour laisser un commentaire

Mohamedi DARGHAL mercredi 11 mai 2016, 11:08

Important

Guillemain Géraud mercredi 11 mai 2016, 11:20

Merci Christian pour l'excellent rapport en français que tu en as fait.
Je n'ai pas encore lu l'original car je n'ai plus accès online de mon ordinateur.
mais grace à toi je n'y manquerai pas
Salutations confraternelles et cordiales

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