Des troubles fréquents
Les troubles du sommeil sont extrêmement fréquents chez les enfants présentant un TSA. Selon les critères et les méthodes utilisées, les études estiment que la prévalence des troubles du sommeil dans cette population varie de 44 à 83 %. Les difficultés le plus souvent rapportées par les parents sont les difficultés d’endormissement, les réveils nocturnes avec des difficultés à se rendormir et des réveils matinaux précoces (Patzold et al., 1998 ; Paavonen et al., 2007; Tani et al.,2003 ; Limoges et al., 2005 Allik et al., 2006, Souders 2010). Les études en polysomnographie chez les enfants avec TSA ont montré que toutes les phases du sommeil sont impactées, tout particulièrement le sommeil paradoxal.
Des conséquences majeures sur la santé
L’impact de ces troubles du sommeil est majeur, certains auteurs estimant qu’ils participent pour un tiers des troubles du comportement dans les TSA (Mazurek et al. 2016[A]). Ils sont associés à une sévérité plus importante des troubles du comportement des enfants (Combs et al. 2016, Mazurek et al. 2016[A]), mais aussi des symptômes cardinaux de l’autisme (majoration du trouble de la communication sociale et des comportements stéréotypés et répétitifs), et des troubles comorbides, comme l’anxiété ou l’instabilité de l’humeur (Blackmer et al. 2016, Cohen et al. 2014).
En savoir plus : Rôle du sommeil sur la plasticité synaptique
L’hypothèse est que la régulation de l’homéostasie synaptique dépend du sommeil. Plusieurs études ont montré des changements dans l'expression cérébrale des gènes entre le sommeil et l'éveil, ou après privation de sommeil. La veille conduit à la régulation positive de trois catégories de transcrits : les transcrits impliqués dans le métabolisme énergétique, dans la réponse au stress cellulaire, et dans les processus de potentialisation synaptique. En revanche, les transcrits exprimés à des niveaux élevés pendant le sommeil sont impliqués dans la dépression synaptique, dans la synthèse / entretien des membranes, et dans le métabolisme des lipides. Une hypothèse serait donc que le sommeil est nécessaire pour normaliser les synapses à un niveau de référence durable, et assure ainsi l'homéostasie cellulaire (Cirelli and Tononi 2008). Les troubles du sommeil peuvent donc altérer la plasticité synaptique, et cette altération pourrait être particulièrement néfaste chez des enfants avec TSA.
Des conséquences majeures sur les apprentissages
Les troubles du sommeil ont été associés à une altération des compétences cognitives de l’enfant : ses capacités d’attention et de compréhension, ou encore sa mémoire verbale (McCann et al. 2016).
En savoir plus : Altération des processus de consolidation de la mémoire
La consolidation de la mémoire commence au moment où de nouvelles informations sont encodées. C’est un processus permettant aux souvenirs initialement fragiles d’être stabilisés, renforcés et réorganisés dans le cerveau. Le sommeil a été identifié comme un état qui optimise la consolidation des informations nouvellement acquises en mémoire. La consolidation pendant le sommeil favorise des changements à la fois quantitatifs et qualitatifs de la mémoire.
Des conséquences majeures sur la famille
Les troubles du sommeil sont associés à un niveau élevé de stress parental et familial et à une diminution de la cohésion familiale (Johnson et al. 2018). Pour les parents d’enfants avec TSA, les problèmes de sommeil sont les symptômes les plus souvent cités par les parents pour leur impact négatif sur la qualité de vie et le fonctionnement quotidien, et pour lesquels ils sont demandeurs d’aide (McConachie et al. 2018).
Pr Pauline Chaste
Université de Paris et hôpital Necker
Dossier sommeil et enfant avec TSA
Bibliographie
- Allik, H., J. O. Larsson, et al. (2006). "Sleep patterns of school-age children with Asperger syndrome or high-functioning autism." J Autism Dev Disord 36(5): 585-95.
- Blackmer AB, et al. "Management of sleep disorders in children with neurodevelopmental disorders: A Review." Pharmacotherapy 2016;36(1):84-98.
- Cirelli, C. and G. Tononi (2008). "Is sleep essential?" PLoS Biol 6(8): e216.
- Cohen S, et al. "The relationship between sleep and behavior in autism spectrum disorder (ASD): a review." J Neurodev Disord 2014;6(1):44
- Combs D, et al. "Insomnia, health-related quality of life and health outcomes in children: A seven year longitudinal cohort." Sci Rep 2016;6:27921
- Limoges, E., L. Mottron, et al. (2005). "Atypical sleep architecture and the autism phenotype." Brain 128(Pt 5): 1049-61
- [A] Mazurek MO, et al. "Sleep and Behavioral Problems in Children with Autism Spectrum Disorder." J Autism Dev Disord 2016;46(6):1906-1915.
- McCann M, et al. "The relationship between sleep and working memory in children with neurological conditions." Child Neuropsychol 2016;24(3):304-321.
- McConachie H, et al. "Parents suggest which indicators of progress and outcomes should be measured in young children with autism spectrum disorder." J Autism Dev Disord 2018;48(4):1041–1051.
- Paavonen, E. J., K. Vehkalahti, et al. (2008). "Sleep in children with Asperger syndrome." J Autism Dev Disord 38(1): 41-51.
- Patzold, L. M., A. L. Richdale, et al. (1998). "An investigation into sleep characteristics of children with autism and Asperger's Disorder." J Paediatr Child Health 34(6): 528-33.
- Souders, M. C., T. B. Mason, et al. (2009). "Sleep behaviors and sleep quality in children with autism spectrum disorders." Sleep 32(12): 1566-78.
- Tani, P., N. Lindberg, et al. (2004). "Sleep in young adults with Asperger syndrome." Neuropsychobiology 50(2): 147-52.