On retient habituellement que la dépression résistante est caractérisée par l’absence ou l’insuffisance de réponse à deux antidépresseurs de classes pharmacologiques différentes, bien conduits en termes de posologie et de durée.
Différents systèmes de classification existent, comme celle proposée par Thase et Rush (1997) qui décrit cinq niveaux croissants de résistance, avec une hiérarchisation des différents essais de traitement antidépresseur, essentiellement selon la tolérance des traitements antidépresseurs (l’échec de tricycliques vient au stade 3, celui des IMAO non sélectifs au stade 4 et celui des ECT au stade 5)
Mais la définition canonique de la dépression résistante de même que ce type de classification n’ont de sens que si le diagnostic est déjà le bon ! Il importe en effet d’éliminer une pseudo-résistance. En premier lieu la question du diagnostic différentiel doit toujours être posée en cas de résistance. C’est la base du raisonnement médical : si le traitement ne marche pas, c’est peut-être que le diagnostic n’était pas le bon. A titre d’exemple, certains diagnostics fréquents mais délicats à appréhender tels que le trouble « pseudo-unipolaire » (qui masque donc une bipolarité) ou une schizophrénie déficitaire peuvent prendre la forme d’une dépression résistante et l’attention clinique doit permettre de redresser le diagnostic.
Et en dehors de la psychiatrie l’utilisation de médicaments dépressogènes ou les endocrinopathies. Il faut aussi repérer les co-morbidités, dont les troubles anxieux, les conduites addictives, le ou les psychotraumatismes, et plus récemment des entités tels que le TDAH ou les troubles du spectre autistiques (TSA) qui peuvent considérablement modifier la clinique de la dépression. Deuxièmement, la qualité de l’essai d’un antidépresseur doit être parfaitement renseignée afin de constater l’échec d’une ligne thérapeutique que ce soit en termes de posologie, de durée ou d’observance : la résistance ne peut être considérée qu’en s’étant assuré d’une observance de qualité, soit au moins 80 % du traitement pris pendant plus de 6 semaines.
Pour vérifier celle-ci le dosage plasmatique des antidépresseurs est précieux, mais là aussi la clinique est reine : l’absence totale d’effet, bénéfique comme secondaire, est suspecte, et puis l’alliance thérapeutique est plus décisive que les examens paracliniques... Enfin, la définition de la résistance doit être précisée par une approche dimensionnelle en prenant en considération le niveau de résistance et son évolution dans le temps. Là aussi la clinique est décisive, en précisant la nature des symptômes prédominants ou résiduels pour guider le choix des lignes suivantes.
C’est ainsi que progressivement nous sommes passés du dogme du switch à celui des stratégies d’association, au risque de se livrer à une polymédication qui ne soit pas rationnelle (l’effet mille-feuilles… d’ordonnancier) et surtout de voir le patient ne conserver de l’ordonnance que les benzodiazépines auxquelles il aura pris goût et dont l’usage reste problématique en France.
Claire Jaffré
Interne de Psychiatrie, Doctorante en Neurosciences
Institut du Cerveau et de la Moelle Épinière, Paris
Ce contenu vous est proposé avec le soutien institutionnel de Janssen