Psychiatrie clinique, biologique et thérapeutique

Considérer la question des troubles cognitifs dans la dépression du sujet âgé

Mis à jour le mardi 24 octobre 2023

Si les dernières années ont été marquées par une forte augmentation de la prévalence des épisodes dépressifs caractérisés chez les adolescents et jeunes adultes (1), les « seniors » ne semblent pas avoir été épargnés par cette tendance. La prévalence de la dépression dans la tranche d’âge des 65-75 ans a ainsi cheminé en France de 2,9% en 2019, à 5,5% en 2017 puis 6,8% en 2021(2). Pour la quasi totalité de ces 6,8%, il s’agit d’un épisode d’intensité modéré à sévère (2).

Ces épisodes dépressifs du sujet âgé peuvent revêtir certaines particularités cliniques, comme la prédominance des symptômes somatiques ou de l’atteinte cognitive, et présenter des enjeux propres concernant leur prise en charge. Les challenges qu’ils constituent sont particulièrement d’actualité à l’heure d’un questionnement sociétal sur l’emploi et l’importance de ces années de vie.

Différents mécanismes en jeu dans la dépression, qu’ils soient physiologiques ou inflammatoires, auraient une action délétère sur les fonctions neurotrophiques cérébrales ainsi que sur l’accumulation de radicaux libres menant à une perte neuronale accrue (3,4). De ce fait, les épisodes dépressifs caractérisés pourraient augmenter le risque de démence (5). Traiter les épisodes dépressifs en étant particulièrement attentifs à l’amélioration des symptômes cognitifs paraît donc essentiel concernant cette classe d’âge.

Les études concernant les effets des antidépresseurs « classiques », de type ISRS ou ISRSNa sont contradictoires et peu probantes quant à de possibles effets pro-cognitifs de ces molécules dans la dépression (6,7), ou concernant leur impact sur le risque de développer une démence (8,9). L’utilisation de molécules anciennes, appartenant à la classe des tricycliques ou des IMAO, mais aussi de molécules hors AMM comme certains anti-parkinsoniens, sont souvent nécessaires, mais ne sont pas toujours bien tolérées.  Des techniques de stimulations plus ou moins invasives, ECT ou iTBS (protocole intensif de stimulation magnétique transcranienne), semblent participer à la trophicité neuronale mais ne sont pas toujours disponibles, ou facilement acceptées par les patients. Enfin, des traitements pharmacologiques plus récents tels que les modulateurs des récepteurs glutamatergiques et sérotoninergiques apporteraient une réponse plus spécifique concernant les dimensions cognitives de la dépression (10) (11).

Dr Lauriane Delhay

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  1. EpiCov
  2. PRÉVALENCE DES ÉPISODES DÉPRESSIFS EN FRANCE CHEZ LES 18-85 ANS : RÉSULTATS DU BAROMÈTRE SANTÉ 2021, Soumis le 10.11.2022, publié le 14/02/2023
  3. Dantzer R, O’Connor JC, Freund GG, Johnson RW, Kelley KW (2008) From inflammation to sickness and depression: when the immune system subjugates the brain. Nat Rev Neurosci 9:46–56.
  4. Wohleb ES, Franklin T, Iwata M, Duman RS (2016) Integrating neuroimmune systems in the neurobiology of depression. Nat Rev Neurosci 17:497–511.
  5. Chan JYC, Yiu KKL, Kwok TCY, Wong SYS, Tsoi KKF (2019) De- pression and antidepressants as potential risk factors in dementia: a systematic review and meta-analysis of 18 longitudinal studies. J Am Med Dir Assoc 20:279–286.e1
  6. Jensen JB, du Jardin KG, Song D, Budac D, Smagin G, Sanchez C, Pehrson AL (2014) Vortioxetine, but not escitalopram or duloxetine, reverses memory impairment induced by central 5-HT depletion in rats: Evidence for direct 5-HT receptor modulation. Eur Neuropsychopharmacol 24:148–159.
  7. McIntyre RS, Xiao HX, Syeda K, Vinberg M, Carvalho AF, Mansur RB, Maruschak N, Cha DS (2015) The prevalence, measure- ment, and treatment of the cognitive dimension/domain in major depressive disorder. CNS Drugs 29:577–589.
  8. Kessing LV, Søndergård L, Forman JL, Andersen PK (2009) Anti- depressants and dementia. J Affect Disord 117:24–29.
  9. Goveas JS, Hogan PE, Kotchen JM, Smoller JW, Denburg NL, Manson JE, Tummala A, Mysiw WJ, Ockene JK, Woods NF, Espeland MA, Wassertheil-Smoller S (2012) Depressive symptoms, antidepressant use, and future cognitive health in postmenopausal women: the Women’s Health Initiative Memory Study. Int Psychogeriatr 24:1252–1264.
  10. I-Chen Huang, MD, Tsui-San Chang, MSc, Chiehfeng Chen, MD, PhD, and Jia-Ying Sung, MD, PhD, Effect of Vortioxetine on Cognitive Impairment in Patients With Major Depressive Disorder: A Systematic Review and Meta-analysis of Randomized Controlled Trials, International Journal of Neuropsychopharmacology (2022) 25(12): 969–978
  11. Diogo R. Lara and others, Antidepressant, mood stabilizing and procognitive effects of very low dose sublingual ketamine in refractory unipolar and bipolar depression, International Journal of Neuropsychopharmacology, volume 16, issue 9, October 2013, pages2111-2117

 

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