« Béatrix, le cerveau n'est pas une horloge, ni une machine. D'un côté, il faut considérer qu'il existe une "force formative" responsable de l'organisation du cerveau, que nous ne connaissons pas. D'un autre côté, nous employons des méthodes mécaniques, comme la section du cerveau et sa destruction, en essayant de diviser ou de réduire la complexité, pour essayer de la comprendre. Nous agissons comme des mécaniciens devant une machine, une machine qui se construit elle-même. Ce qui est stupide ! »
Michel Jouvet, Le château des songes.
Cette citation de Michel Jouvet, pionnier de la recherche sur le sommeil et découvreur du sommeil paradoxal, illustre à la fois la fascination et l’humilité nécessaires à l’étude du cerveau et du sommeil. Elle résonne particulièrement dans notre contexte actuel, où la médecine du sommeil se trouve au carrefour notamment des neurosciences, de la psychiatrie et des solutions numériques. Elle nous invite à aller au-delà des approches trop mécaniques et réductrices pour intégrer la complexité des comportements et des interactions entre le sommeil et la santé mentale.
C’est dans cet esprit que l’Encéphale online, sous la plume du Docteur Sibylle Mauries, propose ces comptes rendus de session, chacun explorant une facette des récentes avancées en médecine du sommeil. Ils résument des symposiums présentés au Congrès du Sommeil à Lille en cette fin d’année 2024. Qu’il s’agisse de la perception du sommeil, des liens avec le stress, des spécificités du sommeil chez les femmes, ou encore de l’impact de l’intelligence artificielle, ces thématiques révèlent des enjeux scientifiques et cliniques majeurs ! Elles mettent également en lumière la nécessité d’une approche intégrative, où la recherche, la pratique clinique et l’innovation numérique s’associent et se nourrissent mutuellement.
C’est ainsi que pour le premier compte rendu, Sibylle Mauries a choisi de résumer les nouvelles données concernant la perception du sommeil. Comment puis-je percevoir que je dors ou que je suis éveillé ? Pourquoi les personnes avec insomnie ont-elles une bonne ou mauvaise perception de leur sommeil effectif ? D’ailleurs : mauvaise perception ou divergence de perception avec des outils pas suffisamment fins pour objectiver la plainte ? Le sommeil est souvent réduit à une “suspension de la conscience”. Cependant, les recherches récentes révèlent qu’il est bien plus complexe, notamment chez les insomniaques, où les divergences entre perception subjective et données objectives éclairent des dynamiques cérébrales inattendues. À travers les interventions d’Aurélie Stephan, Thomas Andrillon et Geoffroy Solelhac, cette session met en avant l’importance de comprendre ces perceptions divergentes pour améliorer la prise en charge des troubles du sommeil.
Les liens entre sommeil et stress seront abordés dans le second article. Sibylle Mauries nous montrera à quel point ces relations sont au cœur de nombreux troubles psychiatriques. Qu’il s’agisse des modulations corticales impactant le sommeil paradoxal, des effets du stress chronique sur le cerveau, ou des interactions complexes dans des troubles psychiatriques comme le trouble de stress post-traumatique ou les troubles de l’humeur, cette session, présidée par Karim Benchenane et Véronique Fabre, illustre comment le traitement des altérations du sommeil pourrait améliorer la gestion du stress et prévenir des complications psychiatriques.
Trop peu d’études s’intéressent au sommeil des femmes. Or les spécificités sont nombreuses, et c’est le sujet du troisième compte rendu de Sibylle Mauries. Le sommeil des femmes est influencé par des variations hormonales, des facteurs biologiques spécifiques et des contextes socio-environnementaux. De la puberté à la ménopause, en passant par la grossesse, cette session explore les différences de genre dans les troubles du sommeil et leurs implications thérapeutiques. Présidée par Stéphanie Bioulac et Laure Peter-Derex, cette session met en lumière des perspectives encore peu explorées dans la recherche en médecine du sommeil.
Enfin, à l’époque actuelle, comment ne pas terminer par un article sur l’intelligence artificielle (IA) et la médecine du sommeil ? Cette médecine du sommeil entre dans une nouvelle ère grâce à l’IA, qui permet d’analyser et de prédire des dynamiques complexes. En combinant IA, génomique et protéomique, ces avancées ouvrent la voie à une médecine intégrée, prédictive et personnalisée. Présidée par Yves Dauvilliers avec l’intervention d’Emmanuel Mignot, cette session plénière résumée offre un aperçu des outils diagnostiques et des traitements innovants en cours de développement !
À travers ces comptes rendus, résumant les grands messages clefs de certaines sessions tenues au Congrès du Sommeil, nous espérons offrir une vision moderne et inspirante de la médecine du sommeil et de ses liens avec la psychiatrie. Bonne lecture à tous et un grand merci au Dr Sibylle Mauries pour cette belle série !
Pr Pierre-Alexis Geoffroy,
AP-HP, GHU Paris Nord,
DMU Neurosciences,
Hôpital Bichat - Claude Bernard, Paris
Tout le Congrès du Sommeil 2024
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