Psychiatrie clinique, biologique et thérapeutique

Sommeil et stress

Mis à jour le lundi 9 décembre 2024

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Le sommeil, bien que fondamental pour la santé, est particulièrement vulnérable au stress. Cette session a exploré les mécanismes neurobiologiques liant sommeil et stress, et leurs implications cliniques dans des troubles psychiatriques.

Influence corticale sur le sommeil paradoxal après stress via la région préoptique de l’hypothalamus

Thierry Galopin (ESPCI, Paris) a mis en lumière l’influence du stress sur le sommeil paradoxal (SP) via le rôle du cortex préfrontal (CPF) et des noyaux ventrolatéral préoptique (VLPO). Le VLPO est une structure clé dans l'induction du sommeil, projetant des signaux inhibiteurs vers les systèmes d’éveil. Les découvertes récentes de son équipe incluent :

  • Le CPF module le VLPO : Grâce à un modèle d’optogénétique, l’équipe de recherche de  Thierry Galopin a mis en évidence que des projections excitatrices du CPF vers le VLPO diminuent la durée du SP au profit du sommeil lent (SL). Cette modulation est particulièrement marquée après un stress aigu.
  • Effets du stress social : Un modèle animal de stress par défaite sociale montre une insomnie transitoire suivie d’une réduction prolongée des épisodes de SP, sans impact significatif sur le SL (Chouvaeff et al., in revision)

Ces résultats suggèrent que le CPF agit comme un médiateur clé en modulant les états de vigilance après un stress, avec un impact sur le SP.

Effet d’un stress chronique sur le sommeil et l’activité cérébrale

Pierre Hervé Luppi et Justin Malcey (CNRS Lyon) ont présenté leur modèle murin de dépression basé sur le stress chronique imprévisible. Leurs résultats montrent que :

  • Augmentation du SP : Le stress chronique entraîne une augmentation significative (+30%) de la durée du SP, sans affecter le SL.
  • Activité cérébrale pendant le SP : L’utilisation d’un modèle transgénique permet d’identifier les régions cérébrales activées pendant le SP soumis à un stress chronique. Une attention particulière est portée à l’habenula latérale, qui serait impliquée dans l’anxiété et la dépression, et dont l’activation semble liée aux perturbations observées.

Ces résultats soulignent le rôle modulateur du sommeil dans l’apparition de symptômes dépressifs suite à un stress chronique.

L’autre face de la pièce : les altérations du sommeil en clinique

Pierre Alexis Geoffroy (Hôpital Bichat, Paris ; et Centre ChronoS, GHU Paris Psychiatrie Neurosciences) a examiné les impacts du stress sur le sommeil dans divers troubles psychiatriques. Les principaux enseignements sont :

  • État de stress post-traumatique : Le SP est fragmenté, marqué par des micro-éveils et des cauchemars intrusifs. Ces perturbations affectent la capacité du cerveau à « digérer » les traumatismes et participent probablement à la progression vers un trouble de stress post-traumatique (Saguin et al., Brain Sciences, 2021)
  • Épisode dépressif caractérisé : Le raccourcissement de la latence du SP et l’augmentation de sa densité, diminution de la durée du SL et des ondes Delta. Ces altérations persistent même pendant les phases de rémission (Bertrand et al., Journal of Affective Disorders, 2021) sont plus fréquentes chez les sujets à haut risque (Modell et al., 2005).
    Une découverte récente montre que 80% des patients avant une crise suicidaire ont altéré le contenu de leurs rêves au cours des mois et semaines précédentes ; et près d’un quart présentaient déjà leurs scénarios suicidaires dans leurs rêves (PA Geoffroy, J Clin Psychiatry, 2022).
    Interroger les rêves et leurs altérations récentes est un changement très simple à faire dans sa pratique clinique et pourrait permettre de mieux dépister les personnes en crise suicidaire (PA Geoffroy, Bipolar Disorders, 2023).

Conclusion et perspectives

Les intervenants ont mis en avant le fait que les interactions entre sommeil et stress sont centrales dans de nombreux troubles psychiatriques. Traiter les altérations du sommeil pourrait permettre d’améliorer les processus cérébraux de gestion du stress et d’éviter l’émergence ou les complications psychiatriques. 

Compte-rendu d'une session présentée lors du Congrès du Sommeil 2024, Lille 20-22 novembre 2024

Tout le Congrès du Sommeil 2024

Avec le soutien institutionnel de :

Idorsia

Attention cette publication est un compte-rendu de congrès qui peut contenir des informations hors autorisation de mise sur le marché

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