Psychiatrie clinique, biologique et thérapeutique

Qualité du sommeil et santé cardiaque : un pilier majeur de la prévention cardiovasculaire

Mis à jour le jeudi 27 novembre 2025

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Le sommeil est reconnu comme le 7ème pilier de la santé cardiovasculaire1. En effet, la mauvaise qualité du sommeil est associée à un risque augmenté de 30% de survenue d’un accident coronarien, de 22% d’un accident vasculaire cérébral, et de 25% d’une hypertension artérielle réfractaire1. Sur le plan épidémiologique, 1 adulte sur 3 dort insuffisamment, c’est-à-dire en dessous de 7 heures par nuit, dans les pays occidentaux, ce qui, en comparaison des autres facteurs de risque cardiovasculaire présents dans ces mêmes pays, associés à des facteurs socio-démographiques, sous-tend l’hypothèse que le sommeil semble être un déterminant majeur du risque cardiovasculaire1.

Les quatre piliers d’un sommeil optimal

Les composantes d’un sommeil optimal en lien avec des effets cardiovasculaires directs associés peuvent se décliner en 4 piliers principaux, à savoir une durée de sommeil comprise entre 7h et 9h, chez l’adulte, une bonne qualité du sommeil dans sa continuité, avec une architecture stable, une régularité des horaires de coucher et de lever, qui doivent correspondre aux besoins de sommeil en fonction du chronotype de chaque individu, et rester constants quotidiennement, et l’absence de troubles du sommeil non traités, comme le syndrome d’apnées hypopnées obstructives du sommeil, le trouble insomnie chronique, ou encore le syndrome de jambes sans repos, associé ou non au syndrome de mouvements périodiques de jambes nocturnes.2

Mécanismes physiologiques

Cette optimisation du sommeil au travers du respect rigoureux de ces 4 piliers va avoir un impact cardiovasculaire majeur, puisque lorsque l’on dort, différents mécanismes physiologiques de l’organisme vont être impliqués dans une régulation homéostatique, conduisant notamment à la diminution du tonus sympathique concomitante de l’augmentation du tonus vagal, à l’origine d’une restauration du système nerveux autonome, une normalisation de la pression artérielle nocturne, une réduction de l’inflammation systémique, une amélioration du métabolisme du glucose et de l’insuline, une stabilisation du rythme cardiaque contribuant à diminuer le risque d’arythmies nocturnes et par extension de survenue d’une fibrillation auriculaire cardiaque au cours de la vie, et à une protection vasculaire endothéliale en lien avec une diminution du stress oxydatif au niveau cellulaire.3,4

Données cliniques sur le risque cardiovasculaire

De nombreuses données cliniques objectivent le lien entre un sommeil optimal et une baisse du risque cardiovasculaire5. En effet, une étude de santé réalisée chez des paramédicaux montre qu’une durée de sommeil inférieure à 5h augmente le risque de survenue d’événements coronariens de 32%5. Un score de sommeil sain contribuerait à diminuer le risque d’événements cardiovasculaires majeurs de 35%5. L’insomnie chronique augmenterait d’un ratio de 1.45 le risque d’événements cardiovasculaires, tandis que lorsque ce trouble est traité par une thérapie cognitive et comportementale de l’insomnie, recommandée en première intention, on retrouve un bénéfice tensionnel et sur le système nerveux sympathique.5

En pratique clinique courante, il est primordial devant une hypertension artérielle résistante à plusieurs lignes thérapeutiques de suspecter un syndrome d’apnées hypopnées obstructives du sommeil, dont le dépistage doit alors être systématiquement recommandé. Une fibrillation atriale peut conduire à une fragmentation du sommeil, le tout pouvant être intriqué avec un syndrome d’apnées hypopnées obstructives du sommeil, impliquant sur le plan physiopathologique le système nerveux autonome. Il est fréquent que des troubles du sommeil puissent être sous-jacents à une insuffisance cardiaque. Enfin, les maladies coronariennes peuvent être associées à un temps de sommeil trop long ou trop court par rapport à ses besoins de sommeil, à un sommeil irrégulier ou encore à une qualité de sommeil pauvre.

Rôle de la régularité des rythmes et chronologie

Au-delà de la durée du sommeil, il est important de respecter certains comportements en lien avec l’hygiène du sommeil. Si l’on regarde les données après ajustement sur le mode de vie, les comorbidités pathologiques, la durée du sommeil moyenne, l’insomnie et les apnées du sommeil en Grande Bretagne6, et indépendamment du risque génétique, chaque fois que l’on a une heure surajoutée d’irrégularité du sommeil, le risque de développer une maladie coronarienne est augmenté de 19%, celui d’avoir un infarctus du myocarde de 23%, et pour les accidents vasculaires cérébraux ischémiques, de 17%6. Ce risque est d’autant plus élevé chez les longs dormeurs, qui ont besoin d’au moins huit heures de sommeil, et chez les personnes âgées de plus de 60 ans6. Cela suggère l’importance de maintenir des habitudes de régularité de durée de sommeil, ce qui pourrait contribuer à la prévention de maladies cardiovasculaires.

Il est également indispensable de tenir compte du rôle majeur de la chronobiologie, l’horloge biologique étant le chef d’orchestre de multiples fonctions physiologiques, de par son implication majeure en particulier dans la régulation des rythmes veille/sommeil. En outre, nos rythmes circadiens étant en phase avec le cycle lumière-obscurité, l’alignement optimal des horloges biologiques internes avec ce cycle lumière-obscurité serait d’autant plus impliqué dans la santé cardio-métabolique7.

Enfin, la plainte de somnolence diurne excessive, qui est subjective et correspond donc à une plainte mentale, semble de plus en plus devenir un potentiel biomarqueur cardiovasculaire8.

En conclusion, le cœur est un organe qui se repose pendant le sommeil. De fait, le sommeil permet au cœur de ralentir et de récupérer. Le fractionnement du sommeil perturbe cette récupération cardiaque. Une durée de sommeil réduite et une irrégularité des horaires de sommeil sont néfastes pour la santé cardiovasculaire. Un sommeil de mauvaise qualité est un facteur de risque cardiaque.

Dr Elie OUBARY, PH, psychiatre et médecin du sommeil

Références

1. Li X, Ma H, Wang X, Feng H, Qi L. Life’s Essential 8, Genetic Susceptibility, and Incident Cardiovascular Disease: A Prospective Study. Arteriosclerosis, Thrombosis, and Vascular Biology. 2023;43(7):1324-1333. doi:10.1161/ATVBAHA.123.319290
2. Jaspan VN, Greenberg GS, Parihar S, et al. The Role of Sleep in Cardiovascular Disease. Curr Atheroscler Rep. 2024;26(7):249-262. doi:10.1007/s11883-024-01207-5
3. Lloyd-Jones DM, Allen NB, Anderson CAM, et al. Life’s Essential 8: Updating and Enhancing the American Heart Association’s Construct of Cardiovascular Health: A Presidential Advisory From the American Heart Association. Circulation. 2022;146(5):e18-e43. doi:10.1161/CIR.0000000000001078
4. Kwok CS, Kontopantelis E, Kuligowski G, et al. Self‐Reported Sleep Duration and Quality and Cardiovascular Disease and Mortality: A Dose‐Response Meta‐Analysis. J Am Heart Assoc. 2018;7(15):e008552. doi:10.1161/JAHA.118.008552
5. Benjafield AV, Pepin JL, Cistulli PA, et al. Positive airway pressure therapy and all-cause and cardiovascular mortality in people with obstructive sleep apnoea: a systematic review and meta-analysis of randomised controlled trials and confounder-adjusted, non-randomised controlled studies. Lancet Respir Med. 2025;13(5):403-413. doi:10.1016/S2213-2600(25)00002-5
6. Huang T, Kianersi S, Wang H, et al. Sleep duration irregularity and risk for incident cardiovascular disease in the UK Biobank. medRxiv. Published online July 27, 2024:2024.07.26.24311090. doi:10.1101/2024.07.26.24311090
7. Knutson KL, Dixon DD, Grandner MA, et al. Role of Circadian Health in Cardiometabolic Health and Disease Risk: A Scientific Statement From the American Heart Association. Circulation. 0(0). doi:10.1161/CIR.0000000000001388
8. Bock JM, Covassin N, Somers VK. Excessive Daytime Sleepiness: An Emerging Marker of Cardiovascular Risk. Heart. 2022;108(22):1761-1766. doi:10.1136/heartjnl-2021-319596

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