Le syndrome des jambes sans repos est une maladie neurologique. Le diagnostic se fait à partir de 5 critères bien définis, à savoir une envie de bouger les jambes, souvent associées à des sensations désagréables, augmentées au repos, soulagées par le mouvement, survenant principalement le soir, et non expliqué par une autre maladie ou une prise médicamenteuse1. Le diagnostic s’effectue au cours de l’interrogatoire du sommeil, avec comme critères additionnels mais non obligatoires des mouvements périodiques des jambes pendant la veille et le sommeil, une histoire familiale de syndrome de jambes sans repos, et une réponse favorable aux agonistes dopaminergiques1. Il existe un état d’hyperéveil, dans le cadre d’une insomnie d’endormissement et de maintien, une composante sensitive et une composante motrice liés à ce syndrome.
Les mécanismes physiopathologiques impliqués dans l’apparition de ce syndrome comprennent une prédisposition génétique, une carence martiale centrale, et au niveau du striatum cérébral, un hyperglutamatergisme, un hypoadénosinergisme, et une dérégulation dopaminergique. Des facteurs environnementaux internes et externes sont également impliqués, comme certains médicaments (antagonistes dopaminergiques), un état d’hypoxie, une grossesse, des maladies neurologiques ou encore des étiologies néphrologiques2.
La prévalence de ce syndrome est élevée en Europe, entre 2 et 10%, dont 2 à 3% des personnes atteintes de ce syndrome présentant des symptômes au moins 3 fois par semaine3.
Classiquement, on distingue 2 phénotypes qui semblent se dégager par rapport à ce syndrome, à savoir une forme précoce, débutant avant 35 à 45 ans, avec une histoire familiale fréquente, plus souvent idiopathique, d’évolution lente, dépendante du taux de ferritine dans le système nerveux central, et très génétiquement déterminé, qui s’oppose à une forme tardive, qui débute après 35 à 45 ans, l’histoire familiale étant plus rare, plus souvent comorbide d’autres types de pathologies, d’évolution plus rapide, moins génétiquement déterminée et peu dépendante du taux de ferritine dans le système nerveux central.
Les facteurs favorisant le syndrome de jambes sans repos sont une carence martiale, des facteurs alimentaires comme une consommation importante de thé, de café, de tabac ou d’alcool, une sédentarité avec peu d’activités physiques pratiquées ou peu régulièrement, et des causes iatrogéniques, comme les antidépresseurs sérotoninergiques, tricycliques, les neuroleptiques cachés ou les antihistaminiques.
Il est important d’évaluer la sévérité des symptômes du syndrome de jambes sans repos, à l’aide du questionnaire « International Restless Legs Syndrome », qui va permettre de conditionner la prise en charge pharmacologique et d’évaluer l’efficacité des thérapeutiques mises en place, mais aussi de déterminer le risque de suicide associé à la sévérité des symptômes. En cas d’insomnie très sévère associée au syndrome des jambes sans repos, le risque de dépression est augmenté, et il peut y avoir en conséquence un impact sur le fonctionnement diurne, avec une somnolence handicapante, un déficit attentionnel et une plainte mnésique, ce qui va perturber les activités quotidiennes, que ce soit sur le plan professionnel, social, ou dans le cadre de loisirs.
On sait que le syndrome des jambes sans repos est souvent comorbide d’une anémie ferriprive, d’une polyneuropathie, d’une insuffisance rénale chronique, de maladies neurologiques, endocriniennes, hépatiques, rhumatologiques, ou respiratoires. En revanche, il ne semble pas y avoir à ce jour de liens clairement établis en termes de comorbidités ou de conséquences sur le plan cardiovasculaire.
En effet, à première vue, il semble y avoir une association entre la fréquence des symptômes du syndrome des jambes sans repos et une hypertension artérielle systolique et diastolique4. Néanmoins, cette association entre hypertension artérielle, maladies cardiovasculaires et syndrome des jambes sans repos ne semble pas significative après ajustement de certains paramètres et contrôle de facteurs de confusion, comme l’âge, le sexe ou l’IMC, en particulier pour ceux qui bénéficiaient de traitements pour le syndrome de jambes sans repos5. On peut toutefois se poser la question d’un risque accru d’apparition de maladies cardiovasculaires, avec une augmentation modérée de l’hypertension artérielle, en cas de syndrome de jambes sans repos sévère, ou traité insuffisamment, ou associé à un syndrome de mouvements périodiques des jambes nocturnes6.
Il ne semble y avoir aucune association indépendante entre le syndrome des jambes sans repos et la mortalité globale, bien que les femmes atteintes de syndrome de jambes sans repos semblent présenter un taux plus élevé de mortalité cardiovasculaire, et qu’une plus longue durée de la maladie semble associée à un risque accru de mortalité cardiovasculaire7.
On ne retrouve pas d’association entre le syndrome des jambes sans repos et les maladies cardiovasculaires globales ou fatales. Cependant, il semble exister un lien avec l’infarctus du myocarde incident, qui pourrait être expliqué par l’impact de la fragmentation du sommeil, de facteurs génétiques, d’une hyperactivité sympathique, ou causé par certains traitements8.
Les mécanismes potentiellement impliqués dans l’association du syndrome des jambes sans repos et de l’hypertension artérielle ou des atteintes cardiovasculaires sont les mouvements périodiques de jambes nocturnes, des facteurs génétiques, la durée du sommeil, l’insomnie, une dysrégulation tensionnelle sur 24h, une carence martiale, une dysfonction endothéliale, et d’autres comorbidités comme le syndrome d’apnées hypopnées obstructives du sommeil, l’obésité, ou l’inflammation9.
Enfin, le syndrome des jambes sans repos semble être associé à un risque de survenue de maladie cardiovasculaire moindre chez des personnes traitées par rapport à celles et ceux non traités10.
Dans tous les cas, que ce soit par rapport au potentiel risque cardiovasculaire associé, mais surtout vis-à-vis de la qualité de vie des personnes atteintes de syndrome de jambes sans repos, il est indispensable de traiter les facteurs favorisant et la pathologie elle-même, selon les recommandations mises à jour par l’American Academy of Sleep Medicine en 2025, à savoir la prise en charge d’une carence martiale par du fer per os ou en intraveineux, en cas de ferritinémie inférieure à 75ng/mL, ou du carboxymaltose ferrique en intraveineux si le seuil se situe entre 75 et 100ng/mL, et l’introduction d’un traitement par alpha 2-delta ligands en première intention, d’opioïdes comme l’oxycodone dans les formes réfractaires, et d’agonistes dopaminergiques en dernière intention dans des situation très spécifiques.
En conclusion, les relations semblent complexes entre le syndrome des jambes sans repos et les maladies cardiovasculaires, avec des questions qui restent non résolues à ce sujet à ce jour. Il faut toutefois relever que certains traitements du syndrome des jambes sans repos semblent avoir un effet positif sur la baisse tensionnelle et le risque de survenue de maladies cardiovasculaires.
Dr OUBARY, PH, psychiatre et médecin du sommeil
1. Leclair-Visonneau L, Vecchierini MF, Schröder C, Charley Monaca C. Comment poser le diagnostic d’un syndrome des jambes sans repos ? Médecine du Sommeil. 2019;16(2):97-105. doi:10.1016/j.msom.2018.10.002
2. Manconi M, Garcia-Borreguero D, Schormair B, et al. Restless legs syndrome. Nat Rev Dis Primers. 2021;7(1):80. doi:10.1038/s41572-021-00311-z
3. Chenini S, Barateau L, Dauvilliers Y. Restless legs syndrome: From clinic to personalized medicine. Revue Neurologique. 2023;179(7):703-714. doi:10.1016/j.neurol.2023.08.009
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5. Cholley-Roulleau M, Chenini S, Béziat S, Guiraud L, Jaussent I, Dauvilliers Y. Restless legs syndrome and cardiovascular diseases: A case-control study. PLoS One. 2017;12(4):e0176552. doi:10.1371/journal.pone.0176552
6. Van Den Eeden SK, Albers KB, Davidson JE, et al. Risk of Cardiovascular Disease Associated with a Restless Legs Syndrome Diagnosis in a Retrospective Cohort Study from Kaiser Permanente Northern California. Sleep. 2015;38(7):1009-1015. doi:10.5665/sleep.4800
7. Li Y, Li Y, Winkelman JW, et al. Prospective study of restless legs syndrome and total and cardiovascular mortality among women. Neurology. 2018;90(2):e135-e141. doi:10.1212/WNL.0000000000004814
8. Winkelman JW, Blackwell T, Stone K, Ancoli-Israel S, Redline S. Associations of Incident Cardiovascular Events With Restless Legs Syndrome and Periodic Leg Movements of Sleep in Older Men, for the Outcomes of Sleep Disorders in Older Men Study (MrOS Sleep Study). Sleep. 2017;40(4):zsx023. doi:10.1093/sleep/zsx023
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