Psychiatrie clinique, biologique et thérapeutique

Rapidité d’action de l’eskétamine et des psychédéliques dans le traitement de la dépression, une question de neuroplasticité ?

Compte rendu proposé par Anne-Cécile Petit sur les nouveautés dans le traitement de la dépression présentées lors du Congrès de l'American Psychiatric Association 2022 (Nouvelle-Orléans, USA, 21-25 mai 2022).

Le Pr Roger McIntyre, professeur de psychiatrie et de pharmacologie à l’Université de Toronto, a présenté une synthèse des connaissances sur le traitement par kétamine et eskétamine dans la dépression (McIntyre R et al, AJP, 2021).

L’utilisation de la kétamine I.V. puis de l’eskétamine en intra-nasal constitue un grand changement dans la prise en charge des patients souffrant de dépression ne répondant pas aux traitements habituels.
L’efficacité de l’adjonction d’eskétamine chez des patients avec une dépression résistante a été montrée dans de nombreuses études. Une méta-analyse (Papakostas et al, 2020) montre une nette augmentation de la réponse (risk ratio = 1,4) et de la rémission (risk ratio = 1,45) grâce à l’adjonction d’eskétamine au traitement habituel (vs placebo).

À l’heure actuelle, des études sont encore nécessaires pour pouvoir comparer l’efficacité de la kétamine I.V. par rapport à l’eskétamine intra-nasale (McIntyre RS et al, JAD, 2020), ou encore par rapport aux traitements par neuromodulation. La kétamine pourrait également avoir un intérêt particulier sur certaines dimensions de la dépression, telle que l’anhédonie (Zheng et al, JAD, 2022).

Le changement majeur apporté par la kétamine et l’eskétamine est la rapidité d’action du traitement (en quelques heures), qui est corrélée à une modification de la plasticité synaptique. En effet, l’état dépressif est corrélé à une diminution dans la complexité des réseaux de neurones pyramidaux, présents dans le cortex préfrontal, ainsi qu’à une diminution des épines dendritiques de ces neurones, portant les synapses (Holmes, Nat Comm, 2019).
La kétamine et l’eskétamine ciblent cette altération, en permettant une récupération de la plasticité synaptique. Ainsi une augmentation du volume de l’hippocampe a été mise en évidence dès 65 minutes après une administration d’eskétamine chez des volontaires sains (Höflich, Transl Psy, 2021). Cet effet rapide peut également bénéficier aux patients avec un risque suicidaire, la kétamine et l’eskétamine ayant montré une efficacité rapide sur l’idéation suicidaire.

Une autre avancée majeure semble se dessiner avec la recherche sur l’effet des psychédéliques (psilocybine, MDMA, LSD) dans la dépression. Des résultats concernant la psilocybine ont été présentés dans une session présidée par le Dr David B Yaden, professeur assistant à l’Université John Hopkins à Philadelphie.

Les premières études menées chez des patients avec un épisode dépressif dans le cadre d’un cancer ont permis de voir que l’administration de 2 doses de psilocybine, espacées de 5 semaines, permettait d’atteindre une rémission des symptômes chez 60 % des patients (Ross et al, 2016). Le protocole utilisé lors des études couple l’administration de la molécule à une séance de psychothérapie menée pendant l’administration, dite « psychothérapie augmentée ».
Les résultats sur les scores de dépression sont spectaculaires, dès le lendemain de la première session, avec un effet durable sur plusieurs semaines (Davis AK et al, JAMA Psy, 2021).

À nouveau, il apparaît que cette molécule a un effet sur la neuroplasticité, avec une augmentation du nombre d’épines dendritiques et de synapses (Ly C et al, Cell Rep, 2018 ; Shao L et al, Neuron, 2021).

Enfin, les psychédéliques pourraient avoir un intérêt dans d’autres pathologies psychiatriques, des données existant sur l’efficacité dans les addictions, avec des effets également spectaculaires sur l’addiction au tabac (Johnson MW et al, J Psychopharm, 2014), à l’alcool et à la cocaïne.

Dr Anne-Cécile Petit
GHU Paris Psychiatrie et Neurosciences

Dossier Congrès APA 2022

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