Psychiatrie clinique, biologique et thérapeutique

L'Encéphale – Volume 42, fascicule 3

Publié le mardi 7 juin 2016

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juin 2016

Divers

Editorial board

Éditorial

Vol Germanwings… les psychiatres sans mot

Auteurs : J.-L. Ducher

Articles de recherche

L’éducation thérapeutique du patient pour les clientèles psychiatriques présentant un surpoids : l’exemple du programme « Wellness »

Auteurs : M.D. Provencher, M.-È. Bélanger, C. Shriqui, I. Lachance, S. Bonneville

RésuméObjectifsLes clientèles psychiatriques sont plus à risque de souffrir de surpoids que la population générale, ce qui est en partie liée aux perturbations métaboliques fréquemment associées à la prise de médicaments psychotropes. L’objectif de la présente étude est d’évaluer l’efficacité du programme Mieux-Être « Wellness », un programme d’Éducation thérapeutique du patient (ETP) en groupe visant la modification des habitudes de vie.Matériel et méthodeUn total de 47 patients a participé à l’étude et l’efficacité du programme a été mesurée à partir de variables anthropométriques (poids, masse corporelle, périmètre abdominal) et cliniques (symptômes psychiatriques, observance à la médication, qualité de vie) auprès d’un groupe expérimental et d’un groupe témoin de type liste d’attente.RésultatsIl n’y a pas de différences significatives entre les groupes sur la plupart des variables après le volet intensif du programme d’une durée de 12 semaines, mais les résultats obtenus trois mois après la fin du programme sous-tendent un effet significatif sur le poids, l’Indice de masse corporelle et le périmètre abdominal et sur certains aspects de la qualité de vie.ConclusionLes résultats de l’étude suggèrent qu’un programme d’Éducation thérapeutique du patient (ETP) basé sur la modification des habitudes de vie pourrait avoir des répercussions positives sur la santé de clientèles psychiatriques variées. L’implantation de tels programmes semble souhaitable dans les milieux cliniques.

Troubles psychiatriques dans la maladie de Niemann-Pick de type C chez l’adulte

Auteurs : A. Maubert, C. Hanon, F. Sedel

RésuméCet article présente une étude rétrospective dont l’objectif est de rechercher, au sein d’une cohorte de patients atteints de la forme adulte de la maladie Niemann-Pick de type C (NPC) et par le moyen de questionnaires, l’existence de troubles psychiatriques et de qualifier ces troubles. Sur les 22 patients de notre cohorte, nous avons retrouvé la présence de symptômes psychiatriques dans 86 % des cas. Soixante-treize pour cent des patients ont présenté des troubles du comportement, 55 % des symptômes psychotiques et 77 % des symptômes thymiques. Un diagnostic psychiatrique a été posé dans 50 % des cas. Les diagnostics les plus fréquemment posés étaient la schizophrénie (27 %) et la dépression (23 %). L’âge moyen d’apparition des troubles psychiatriques était de 20,9ans. Dans 27 % des cas, les symptômes psychiatriques étaient apparus avant les symptômes neurologiques. Dans 50 % des cas, ils étaient présents avant le début du diagnostic de maladie de NPC. Nous avons retrouvé l’existence d’un ou de plusieurs psychiatres traitants chez 55 % des patients, une ou plusieurs hospitalisations en psychiatrie chez 50 % et la prise de traitements psychotropes chez 64 %. Notre étude va dans le sens de la littérature actuelle qui tend à montrer une sous-estimation des troubles psychiatriques dans la maladie de NPC mais aussi un probable sous-diagnostic de la maladie de NPC dans les services de psychiatrie. Toutes ces données nous encouragent à poursuivre la sensibilisation des psychiatres au repérage de cette maladie afin d’en permettre une prise en charge précoce et optimale.

Utilisation problématique d’Internet, temps passé en ligne et traits de personnalité

Auteurs : S. Laconi, A. Andréoletti, E. Chauchard, R.F. Rodgers, H. Chabrol

RésuméL’addiction à Internet ou l’utilisation problématique d’Internet a été régulièrement associée à de nombreux troubles psychiatriques. Cependant, peu d’études se sont intéressées à la relation entre l’utilisation d’Internet et les traits de personnalité. Notre objectif principal était donc d’explorer la relation entre l’utilisation problématique d’Internet, le temps passé en ligne et les traits de personnalité en prenant en considération la présence de symptômes dépressifs et en distinguant les hommes des femmes. Un échantillon de 276 participants âgés de 18 à 50 ans (M=28 ; ÉT=8,9) a été interrogé sur l’utilisation d’Internet, la présence de traits de personnalité et de symptômes dépressifs. Nos résultats ont mis en avant des différences significatives en fonction du genre. Chez les hommes, l’utilisation problématique d’Internet était associée à l’ensemble des traits de personnalité regroupés dans les clusters A (schizoïde et schizotypique) et B (limite et antisociale), alors que chez les femmes aucun trait de personnalité n’était associé à l’utilisation problématique d’Internet. Le temps passé en ligne était notamment prédit par les traits de personnalité schizoïdes chez les hommes et par les traits évitants chez les femmes. Ces résultats suggèrent l’importance d’évaluer l’impact des traits de personnalité sur l’utilisation d’Internet, notamment sur le temps passé en ligne, en distinguant les résultats en fonction du genre et des activités réalisées en ligne.

Pourquoi et comment aborder la spiritualité et la religiosité des patients souffrant de troubles mentaux sévères : une étude de terrain

Auteurs : P. Huguelet, P.-Y. Brandt, S. Mohr

RésuméLes psychiatres ignorent souvent le rôle que joue la religion dans la vie de leurs patients, particulièrement lorsqu’ils souffrent de psychose chronique. Or, si certains patients présentent des délires à thèmes religieux, ils peuvent dans le même temps avoir des croyances spirituelles et des pratiques religieuses qui jouent un rôle favorable. Nous détaillons dans ce travail les résultats d’une étude prospective randomisée menée à Genève, Suisse, portant sur l’évaluation spirituelle par les psychiatres de centres ambulatoires de psychiatrie publique de leurs patients atteints de schizophrénie. Nous mettons en évidence la bonne tolérance par les patients de cette démarche, avec à son terme plusieurs domaines d’intervention psychiatrique et/ou psychothérapeutiques recommandés. L’investigation de la spiritualité et de la religiosité des patients souffrant de psychose apparaît donc nécessaire ; elle est de surcroît justifiée par l’Association mondiale de psychiatrie qui a souligné l’utilité de considérer les aspects culturels dans lesquels les troubles psychiatriques s’inscrivent. L’évaluation spirituelle est relativement simple à réaliser, à condition de s’abstenir de commenter la pertinence de la croyance du patient et d’éviter de prescrire ou de déconseiller la religion.

Représentations sociales de la maladie : comparaison entre savoirs « experts » et savoirs « profanes »

Auteurs : C. Jeoffrion, P. Dupont, D. Tripodi, C. Roland-Lévy

RésuméLe lien entre pratiques et représentations sociales est désormais bien connu. Or, si de nombreux travaux se sont intéressés à la représentation sociale de la maladie mentale, et ce au sein de diverses populations, très peu d’études portent sur la représentation sociale de la maladie au sens large, et aucune ne compare les représentations sociales qu’en ont les professionnels de la santé (PS) et les non professionnels de la santé (NPS). C’est sur ce point que se centre notre recherche. Le groupe des PS est composé de trois sous-groupes : « médecins », « infirmiers » et « pharmaciens » et celui des NPS de deux sous-groupes : les personnes soumises à un « traitement médical de longue durée » et les personnes « sans traitement ». Deux cent soixante-dix participants (135 PS et 135 NPS) ont répondu à une question d’évocation dont les données, selon la théorie dite du « noyau central », ont fait l’objet d’une analyse prototypique et catégorielle Les résultats montrent qu’il existe une représentation sociale de la maladie partagée par les deux groupes, renvoyant essentiellement à la souffrance et à la douleur, mais des registres spécifiques sont aussi mis à jour au niveau périphérique pour chaque groupe. Les PS ont recours à des termes descriptifs renvoyant à la nature et aux caractéristiques de la maladie ; chaque profession évoque la maladie en fonction de son rôle propre. Alors que les médecins se centrent sur le diagnostic et les conséquences de la maladie, les pharmaciens privilégient le traitement de la maladie et sa prise en charge, et les infirmiers se centrent sur le traitement et sur le suivi relationnel des patients. Les NPS se réfèrent quant à eux à des termes focalisés sur le vécu personnel face à la maladie, sachant que les personnes qui suivent un traitement médical privilégient un registre lié à l’affect et aux conséquences de la maladie sur leur quotidien pendant que les personnes sans traitement ont recours à des termes plus descriptifs et formels. Conformément à nos hypothèses, les représentations des PS renvoient à des « représentations professionnelles », tandis que celles des NPS sont reliées à des « pratiques » de la maladie. Ces résultats invitent les PS à élargir les registres des échanges liés à la maladie de manière à favoriser une communication centrée sur une prise en charge du patient considéré dans sa globalité avant d’être un malade réel ou potentiel, et cela constitue un pas décisif dans l’amélioration de la santé du patient.

Revue de la littérature

Lithium and suicide prevention in bipolar disorder

Auteurs : V. Benard, G. Vaiva, M. Masson, P.A. Geoffroy

AbstractIntroductionBipolar disorder (BD) is a severe and recurrent psychiatric disorder. The severity of prognosis in BD is mainly linked to the high rate of suicide in this population. Indeed, patients with BD commit suicide 20 to 30 times more frequently than the general population, and half of the BD population with an early age of onset have a history of suicide attempt. International therapeutic guidelines recommend lithium (Li) as the first-line treatment in BD for its prophylactic action on depressive or manic episodes. In addition, Li is the only mood stabilizer that has demonstrated efficacy in suicide prevention. This effect of Li is unfortunately often unknown to psychiatrists. Thus, this review aims to highlight evidence about the preventive action of Li on suicide in BD populations.MethodsWe conducted a literature search between April 1968 and August 2014 in PubMed database using the following terms: “lithium” AND “suicide” OR “suicidality” OR “suicide attempt”.ResultsAs confirmed by a recent meta-analysis, many studies show that Li has a significant effect on the reduction of suicide attempts and deaths by suicide in comparison to antidepressants or other mood-stabilisers in BD populations. Studies have demonstrated that long-term treatment with Li reduces suicide attempts by about 10% and deaths by suicide by about 20%. The combination of Li and an antidepressant could reduce suicidal behaviours by reducing suicidal ideation prior to depressive symptoms. It appears crucial for Li efficacy in suicide prevention to maintain the Li blood concentrations in the efficient therapeutic zone and to instate long-term Li treatment. The “impulsive-aggressive” endophenotype is associated with suicide in BD. The specific action of Li on the 5-HT serotoninergic system could explain the specific anti-suicidal effects of Li via the modulation of impulsiveness and aggressiveness. Furthermore, genetic variants of the glycogen synthase kinase 3α/β (GSK3α and β; proteins inhibited by Li) seem to be associated with more impulsiveness in BD populations.ConclusionThe anti-suicidal effect of Li has been very well demonstrated. By its specific action on the serotoninergic system, treatment with Li significantly reduces “impulsive-aggressive” behaviour which is a vulnerability factor common to suicide and BD. Long-term appropriately modulated treatment with Li seems to have considerable impact on the reduction of suicidal behaviours, suicidal ideation and death by suicide in the BD population.RésuméIntroductionLe trouble bipolaire (TB) est une maladie psychiatrique sévère et fréquente. La sévérité du pronostic du TB est largement associée au taux élevé de suicides survenant dans cette population. En effet, les suicides sont 20 à 30 fois plus fréquents chez les patients avec TB que dans la population générale, et un patient sur deux avec un âge de début précoce du TB présente un antécédent de tentative de suicide. Dans les recommandations thérapeutiques internationales du TB, le lithium (Li) est le traitement de première intention pour son efficacité dans le traitement et la prévention des épisodes maniaques ou dépressifs. De plus, le Li est le seul traitement stabilisateur de l’humeur ayant déjà prouvé son efficacité dans la prévention du suicide. Néanmoins, cet effet du Li est souvent méconnu des psychiatres. Ainsi, cette revue de la littérature à pour objectif la synthèse de l’efficacité du Li dans la prévention des conduites suicidaires chez les patients souffrant de TB.MéthodeNous avons réalisé une recherche bibliographique de la littérature scientifique publiée entre avril 1968 et août 2014 à l’aide de la base de données PubMed, et en utilisant les mots clés suivants : « lithium » AND « suicide » OR « suicidality » OR « suicide attempt ».RésultatsDe nombreuses études, et une méta-analyse récente, confirment l’efficacité du Li sur la réduction des tentatives de suicide et la réduction des suicides chez des patients avec TB, en comparaison aux autres stabilisateurs de l’humeur ou aux antidépresseurs. Il est démontré que l’utilisation au long cours du Li permet de réduire de 10 % les tentatives de suicide et de 20 % le taux de suicide dans cette population. L’adjonction du Li à un traitement antidépresseur en cours permettrait de réduire les comportements suicidaires et ceci en diminuant les idées suicidaires avant que n’apparaisse la réduction des symptômes dépressifs. Pour obtenir une efficacité dans la prévention du suicide, il apparaît indispensable de maintenir le traitement par Li au long cours et à des doses efficaces, permettant une lithiémie dans la zone thérapeutique. De manière intéressante, il a été démontré que l’endophénotype « impulsif-agressif » est largement associé au suicide dans les TB. L’action spécifique du Li sur le système sérotoninergique 5-HT pourrait expliquer l’effet spécifique du Li dans la réduction des conduites suicidaires, ceci via la régulation de l’impulsivité et de l’agressivité. Enfin, des variants génétiques de la glycogène synthase kinase 3α/β (GSK3α et β, protéines inhibées par le Li) semblent être associés à une augmentation de l’impulsivité chez les patients souffrant de TB.ConclusionL’effet anti-suicidaire du Li est largement démontré par la littérature scientifique. Par son action spécifique sur le système sérotoninergique, le traitement par Li permet de réduire significativement les comportements « agressifs-impulsifs », qui sont des facteurs de vulnérabilité communs entre le suicide et le TB. Le traitement par Li, au long cours et en zone thérapeutique efficace, semble avoir un impact considérable dans la réduction des conduites suicidaires, des idées suicidaires et des suicides chez les patients souffrant de TB.

Suicide et évaluation. Revue des outils disponibles en français : approche non dimensionnelle et autoquestionnaires

Auteurs : J.-L. Ducher, I. de Chazeron, P.-M. Llorca

RésuméLa prévention du suicide représente un enjeu majeur de santé publique, le risque suicidaire, un souci permanent en psychiatrie. La difficulté principale en est son diagnostic. Quels sont les moyens disponibles en français qui semblent pouvoir aider les thérapeutes dans cette démarche ? Nous pouvons distinguer l’approche dimensionnelle, que ce soit à travers l’utilisation d’autoquestionnaires ou d’hétéroquestionnaires, et l’approche non dimensionnelle. Dans cet article, pour des raisons de contraintes éditoriales, nous nous sommes intéressés uniquement à l’approche non dimensionnelle et aux mesures par autoévaluation, en analysant les atouts et les limites des unes et des autres ainsi qu’en tenant compte des études scientifiques qui leur ont été consacrées et de leur intérêt clinique. Nous avons d’abord considéré différents aspects de l’approche non dimensionnelle à travers l’intérêt de la recherche des facteurs de risque, les concepts d’urgence et de potentiel suicidaire, la démarche de Shea, le modèle de Mann et certaines recommandations d’évaluation proposées. Cette démarche possède un certain nombre d’avantages, mais aussi de limites. L’approche dimensionnelle permet d’aller plus loin. Dans cet article, nous abordons aussi les outils d’autoévaluation existant en français qu’ils soient sous la forme d’item dédié comme dans l’inventaire de dépression de Beck (BDI) ou d’échelles spécifiques comme l’inventaire des raisons de vivre (IRV), l’échelle de probabilité suicidaire (SPS), l’échelle de désespoir de Beck (BHS) ou l’échelle d’autoévaluation du risque suicidaire de Ducher (aRSD). Ces deux dernières semblent devoir être utilisées en priorité en raison des études de validation dont elles ont fait l’objet. La forte corrélation existant entre l’autoquestionnaire aRSD et l’hétéroquestionnaire d’évaluation du risque suicidaire de Ducher RSD (r=0,92 ; p<10−7) montre bien la capacité des patients à exprimer leurs idéations suicidaires pour peu qu’on les invite à le faire.

Dyskinésies tardives induites par les antipsychotiques : données actuelles sur leur prévention et prise en charge

Auteurs : A.-S. Seigneurie, F. Sauvanaud, F. Limosin

RésuméLes dyskinésies tardives (DT) sont des mouvements anormaux et involontaires de la langue, de la mâchoire, du tronc et/ou des membres qui peuvent survenir au cours d’un traitement prolongé par antipsychotique ou après son arrêt, et qui sont présents sur une période d’au moins quatre semaines. La prévalence des DT se situe entre 24 et 32 % sous neuroleptiques, et autour de 13 % sous antipsychotiques atypiques. Le risque de survenue est majoré par des caractéristiques propres au patient (âge, sexe, diagnostic psychiatrique, facteurs de vulnérabilité hérités) ou par les caractéristiques du traitement reçu (type de molécule, durée et dose d’exposition au traitement). Les deux principales hypothèses étiopathogéniques proposées pour expliquer la survenue de ces DT iatrogènes sont : une hypersensibilité des récepteurs dopaminergiques D2, ou un mécanisme de neurotoxicité par stress oxydatif pouvant conduire à une dégénérescence neuronale par apoptose. Une fois les principaux diagnostics différentiels éliminés et le diagnostic de DT retenu, trois grands types d’intervention thérapeutique peuvent être proposés : adaptation des modalités de prescription des antipsychotiques (diminution de posologie, substitution ou arrêt), adjonction d’un traitement antikinétique, ou intervention neurochirurgicale pour les dyskinésies sévères et pharmaco-résistantes. En pratique, devant les contraintes liées à ces mesures curatives et leur efficacité incertaine, l’accent doit être mis sur les mesures préventives en privilégiant la réévaluation régulière des prescriptions et le dépistage précoce des complications iatrogènes.

Les bases de pharmacologie fondamentale du système sérotoninergique : application à la réponse antidépressive

Auteurs : D.J. David, A.M. Gardier

RésuméSi la sérotonine ou 5-hydroxytryptamine (5-HT) est peut-être plus connue pour son rôle dans la régulation de l’humeur, il ne faut pas oublier qu’elle participe à la régulation de nombreuses fonctions physiologiques au niveau périphérique. La 5-HT est synthétisée à la périphérie dans les cellules entérochromaffines de l’intestin et dans le cerveau au niveau des noyaux du raphé à partir d’un précurseur, le L-tryptophane, acide aminé essentiel apporté par l’alimentation. L’action physiologique de la sérotonine est portée par une quinzaine de récepteurs sérotoninergiques regroupés en 7 familles (famille des récepteurs 5-HT1, 5-HT2, 5-HT3, 5-HT4, 5-HT5, 5-HT6, 5-HT7). Hormis le récepteur 5-HT3, récepteur canal ou « récepteur inotropique », tous sont des récepteurs couplés à une protéine G (RCPG) ou « récepteurs métabotropiques ». L’homéostasie du système sérotoninergique est assurée par des autorécepteurs sérotoninergiques, au nombre de trois (5-HT1A, 5-HT1B, 5-HT1D), une enzyme de dégradation, la monoamine-oxydase de type A (MAO-A) et un transporteur sélectif (le transporteur sérotoninergique, SERT). Dans le système nerveux central (SNC), le SERT est d’ailleurs la cible de plusieurs classes d’antidépresseurs, les inhibiteurs sélectifs de recapture de la sérotonine (ISRS), les inhibiteurs de recapture de la sérotonine et de la noradrénaline et les antidépresseurs de la famille des tricycliques. L’activité antidépressive des inhibiteurs de recapture du SERT n’est cependant pas directement portée par le blocage du SERT mais par l’activation des récepteurs 5-HT postsynaptiques suite à l’augmentation de la transmission sérotoninergique (et donc de la concentration de sérotonine endogène) dans la fente synaptique qui en résulte. Les ISRS sont d’ailleurs définis comme étant des agonistes indirects des récepteurs 5-HT postsynaptiques. Parmi les différents sous-types de récepteurs sérotoninergiques, l’activation des sous-types de récepteurs 5-HT1A, 5-HT1B, 5-HT1D, 5-HT2B et 5-HT4 faciliterait l’action sur certains symptômes de la pathologie dépressive, tandis que l’activation des sous-types 5-HT2A, 5-HT2C, 5-HT3, 5-HT6 et 5-HT7 aurait des effets opposés sur d’autres symptômes de la pathologie. L’antidépresseur sérotoninergique idéal aurait donc une propriété agoniste des récepteurs 5-HT1A, 5-HT1B, 5-HT1D, 5-HT2B et 5-HT4 et antagoniste des récepteurs 5-HT2A, 5-HT2C, 5-HT3, 5-HT6 et 5-HT7 de façon à obtenir une bonne efficacité vis-à-vis de symptômes variés qui composent ces pathologies dépressives. Si la synthèse d’un tel composé peut s’avérer difficile d’un point de vue chimique, le blocage de certains récepteurs sérotoninergiques centraux en plus de l’inhibition sélective du SERT pourrait raccourcir le délai d’apparition des effets antidépresseurs et/ou d’augmenter l’efficacité de ces médicaments sur l’ensemble de la symptomatologie dépressive.

Réflexion théorique sur la place des mécanismes cognitifs mnésiques et temporels dans l’addiction

Auteurs : L. Lalanne, V. Laprevote, J.-M. Danion, E. Bacon

RésuméL’addiction est une pathologie complexe, sous-tendue par des mécanismes cognitifs en lien avec des anomalies neurobiologiques. La mise en place d’une addiction repose sur l’association cognitive entre un contexte et une substance. La persistance de cette association est à l’origine de la dépendance, c’est-à-dire de l’incapacité du sujet à se sevrer de cette substance. Les mécanismes cognitifs mnésiques sont particulièrement importants pour la mise en place de l’association substance–contexte, renforcée, par exemple, par le plaisir éprouvé lors de la prise de substance (renforcement positif) et par la nécessité d’éviter les effets physiques et psychiques liés au sevrage (renforcement négatif). Les mécanismes renforçateurs sont responsables de la persistance de cette association. Par ailleurs, la persistance de cette association est entretenue par d’autres mécanismes cognitifs comme la surestimation de la durée. Cette altération conduit les sujets à préférer les gratifications immédiates aux gratifications plus tardives mais plus importantes. Ainsi, le sujet choisit préférentiellement la récompense immédiate générée par la consommation de la substance et présente des difficultés à construire un projet dans le futur, source de récompense différée. Si les mécanismes mnésiques et temporels semblent avoir une place centrale dans l’initiation et la persistance des addictions, ils sont par ailleurs en lien avec des anomalies neurobiologiques à court et à long terme. Ainsi, améliorer notre connaissance des mécanismes cognitifs des addictions est un atout pour comprendre comment les anomalies neurobiologiques sont liées aux addictions et devrait permettre de développer des outils de prise en charge des patients, comme par exemple des programmes personnalisés de remédiation cognitive.

Commentary

Lithium and suicide prevention

Auteurs : H. Yang, A.H. Young

Cas clinique / Revue brève

Conduites suicidaires et corticothérapie : à propos d’un cas

Auteurs : G. Carle, G. Abgrall-Barbry

RésuméEn 2010, environ 220 000 personnes ont tenté de se donner la mort en France, soit une tentative de suicide toutes les 85 s. Les facteurs sont nombreux, parfois iatrogènes. En moyenne, 5,7 % des patients traités par corticothérapie sont sujets à des réactions psychiatriques sévères, mais les conduites suicidaires cortico-induites restent peu étudiées et décrites, malgré leur gravité. Nous rapportons le cas d’une patiente de 50ans traitée par méthylprednisolone par voie parentérale pendant cinq jours pour une poussée de sclérose en plaques de forme rémittente et qui a fait une tentative de suicide par intoxication médicamenteuse volontaire 15j après la dernière prise de traitement. Ce geste a pu être partiellement imputé aux corticostéroïdes. Ce tableau s’inscrit dans un contexte d’épisode dépressif majeur non traité évoluant depuis deux mois. La corticothérapie semble avoir acutisé la symptomatologie et c’est au décours de son geste que l’imputabilité des corticostéroïdes a pu être discutée. Au travers de cette illustration clinique, nous discutons les critères d’imputabilité de conduites suicidaires cortico-induites, et développons l’intérêt d’un diagnostic précoce lorsqu’une corticothérapie est envisagée.

Syndrome malin des neuroleptiques et difficultés diagnostiques : à propos d’un cas

Auteurs : C. Khouri, S. Planès, S. Logerot, C. Villier, M. Mallaret

RésuméNous présentons ici le cas d’une patiente, traitée par rispéridone, qui a présenté un syndrome malin des neuroleptiques et dont le diagnostic a été rendu difficile du fait d’une présentation clinique atypique et d’une évolution peu évocatrice. Le diagnostic de syndrome malin fut en effet d’abord évoqué, puis secondairement réfuté devant à la fois la faible rigidité musculaire présentée par la patiente et l’absence d’amélioration après une semaine de traitement bien conduit par dantrolène. Cependant, le diagnostic fut finalement retenu devant la récidive des symptômes à la réintroduction d’un traitement par clozapine. L’absence d’amélioration a par la suite été expliquée par l’utilisation d’une forme retard de rispéridone dont la diffusion commence deux semaines après l’injection et se prolonge pendant 6 à 7 semaines. Il faut donc garder à l’esprit qu’il existe une grande variabilité dans la présentation clinique des syndromes malins et que l’utilisation de formes retards de neuroleptiques peut contribuer à prolonger les symptômes malgré l’arrêt du traitement. L’utilisation de critères diagnostiques trop rigides peut conduire dans certains cas à exclure trop rapidement cette entité et à en différer la prise en charge, entraînant une perte de chance pour les patients.

Aripiprazole, jeu pathologique et sexualité compulsive

Auteurs : D. Mété, C. Dafreville, V. Paitel, P. Wind

RésuméL’aripiprazole est un antipsychotique atypique bien toléré qui a la particularité d’être le seul antipsychotique agoniste du récepteur dopaminergique D2. Nous rapportons le cas d’un patient schizoïde de 27ans qui a été traité par 15 mg d’aripiprazole à la suite de plusieurs épisodes délirants. Sous traitement, il a développé une pratique de jeu pathologique pour les machines à sous en casino, puis pour les jeux de grattage. Ce trouble s’est accompagné d’un changement de l’orientation sexuelle avec une sexualité compulsive et des pratiques sadomasochistes. Les troubles ont régressé de façon complète à l’arrêt de l’aripiprazole. Ces manifestations sont des effets secondaires connus des agonistes dopaminergiques utilisés dans le traitement de la maladie de Parkinson. Le mécanisme proposé est la stimulation du système dopaminergique méso-cortico-limbique dont le rôle est établi dans les addictions. L’attention des prescripteurs et de leurs patients devrait être attirée sur le risque de survenue de ces troubles comportementaux.

Perspectives

Évaluation scientifique de la psychothérapie EMDR pour le traitement des traumatismes psychiques

Auteurs : F. Haour, C. de Beaurepaire

RésuméLe nombre croissant d’approches psychothérapeutiques rend, par leur diversité théorique et pratique, très problématique l’évaluation de leurs effets et l’obtention de preuves indiscutable de leurs actions. Une évaluation selon les critères scientifiques (études contrôlées, randomisées en double insu) est la référence qui donne le plus haut niveau de preuve d’efficacité et permet une reconnaissance par les organismes d’évaluation en santé. La psychothérapie EMDR développée par F. Shapiro depuis 1989, qui comporte un protocole précis faisant intervenir et évaluant les émotions, les éléments cognitifs ainsi que des stimulations physiques, a été soumise à ce processus d’évaluation. Une revue des documents disponibles pour une évaluation scientifique de l’efficacité clinique de la psychothérapie EMDR et de ses mécanismes d’action a été réalisée. L’EMDR, centrée sur la résolution des épisodes traumatiques, a été employée pour le traitement d’un trouble spécifique : l’état de stress post-traumatiques (ESPT). Elle a obtenu, 20ans après l’établissement d’un protocole thérapeutique intégratif, le plus haut niveau de preuve d’efficacité dans cette indication ainsi que la reconnaissance par les Agences de santé. Elle est, d’autre part, en cours d’évaluation scientifique pour d’autres troubles mentaux dans lesquels les souvenirs et expériences traumatiques ont un effet important dans le déclenchement ou le maintien du trouble : anxiété, dépression, phobie, troubles alimentaires ou sexuels, schizophrénie etc. On peut constater que cette nouvelle approche thérapeutique intégrative suit les étapes et le rythme qui ont été nécessaire pour assurer l’évaluation et la validation d’autres types de thérapies.

Lettre à la rédaction

Caractéristiques générales des urgences psychiatriques à l’hôpital de Mahdia

Auteurs : K. Hajji, I. Marrag, L. Zarrouk, S. Younes, M. Hadj Ammar, M. Nasr

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